lundi 28 mars 2016

SCC8/0 - Sommaire et avant-propos (après quel long chemin et quels multiples détours, Vieux Condor et Lédenté finiront par se retrouver)

Vieuc Condor et Lédenté 


(avec, en bonus, en sous-histoire : comment Lédenté, Monsieur Pinchon et le facteur à vélo se sont rencontrés et ce qu'il est résulté de cette entrevue)

SOMMAIRE :  8 pavillons et 2 postaces*

- Pavillon 1 : MUTU AZANGA SUKI
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc81-pavillon-1-mutu-azanga-suki.html

- Pavillon 2 : MUTU AZANGA MINO
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc82-pavillon-2-mutu-azanga-mino.html


(un temps... puis on s'égare sur des chemins de traverse)


- Pavillon 3 : Une histoire normale pour gens normaux  http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc83-pavillon-3-une-histoire-normale.html

- Pavillon 4 : MONSIEUR PINCHON, sa baraque et son cochonnet 
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc84-pavillon-4-monsieur-pinchon-sa.html

- Pavillon 5 : Le piano et l'habit de Monsieur Pinchon 
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc85-pavillon-5-le-piano-et-lhabit-de.html

- Pavillon 6 : Un facteur à vélo percute un renard 
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc86-pavillon-6-un-facteur-velo.html


(un temps... on respire, on reprend son souffle... puis on relance l'histoire principale là où on l'avait laissée et on la termine... mais pour faire chier les gens ou les embrouiller davantage, on s'autorise un ultime vagabondage, un dernier tour de piste avant de saluer un public improbable)


- Pavillon 7 : KOBWAKA NZOTO
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc87-pavillon-7-kobwaka-nzoto-retour.html

- Pavillon 8 : SAINT MONON et MA MBUTU  on remue le squelette de Saint Monon (le raccourci) et on donne la parole à (l'opulente) Ma Mbutu, alias duchesse d'Argyll (la Lady) 
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc88-pavillon-8-on-remue-le-squelette.html


(un temps... on ne peut pas se retenir et on revient encore sur scène, on pontifie, on se gargarise et on glougloute comme un dindon, on salue son public improbable... qui commence à s'énerver, maugrée, se lève et quitte la salle)


- Postface (A) : Ainsi allait la vie des gens au sein d'une société sorcière... 
http://ssc-08.blogspot.be/2016/03/scc89-pavillon-9-ainsi-allait-la-vie.html

- Postface (B) ; Morale
http://ssc-08.blogspot.be/2016/04/pavillon-10-morale.html




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AVANT-PROPOS

Après quel long chemin et quels multiples détours, Vieux condor et Lédenté finiront-ils par se retrouver

Tôt le matin, après la fermeture des derniers bistrots de nuit et bien avant le passage des premiers camions de la voirie, Vieux Condor (un corbeau à la tête et au cou pelés et déplumés, qui avait perdu son odorat, dont la bande avait été disperse et dont l'arbre-perchoir d'où il pouvait observer et narguer le monde avait été abattu) et celui qu'on appelait Lédenté (un renard, jadis de bonne élocution et d'excellente mastication... qui avait perdu ses dents du dessus dans un stupide collision avec le vélo d'un facteur et qui, depuis lors, portait une prothèse d'occasion mal adaptée à sa mâchoire et se décrochant constamment), deux anciens maquisards des forêts d'Ardenne-Kwilu ou de la savane boisée du canton de Djaba ou de l'arrondissement de Marche-en-Famenne , deux anciens compagnons de galère, qui se battaient froid et se tiraient la gueule depuis longtemps et qui, après un long chemin et de multiples détours, après avoir déserté leur pays natal et s'être égarés... Pour mieux brouiller les pistes ?, dans quelques lieux cachés ou méconnus (chez Monsieur Pinchon, dans le village des Boucs ou du côté de la rue de Coumont, près de la chapelle Saint-Monon, à Nassogne), finiront par se retrouver aux environs de la place Hendrik Conscience, non loin de la résidence de La Malibran, dans la châtellenie d'Awel où ils avaient immigré pour y trouver une vie meilleure... 

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* 8 pavillons + 2 postaces + 1 Sommaire,  le compte est bon : ça fait 11... comme à l'Université de Makala



Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
Problème ezali te, cliquez sur : http://sosecra.blogspot.be/





SCC8/1 - Pavillon 1 : MUTU AZANGA SUKI

Vieux Condor, un corbeau...
- Allo coucou, petite chérie  ! Hola guapa ! Tu m'as appelé ?
- Oui, je voudrais bien savoir : le corbeau de ton roman, c'est un vrai corbeau, Douchka ?
- Ben oui !
- Mais pourquoi tu l'appelles Vieux Condor, alors ? Pourquoi Vieux et pourquoi Condor ? 
- Pourquoi Vieux ? Par respect évidemment, petite chérie ! De toute manière, un condor n'est jamais un jeune homme ! Il a toujours l'air vieux, non ? Ata viendrait-il de naître ! Ata serait-il petit de taille ! Ata serait-il un corbeau déplumé !
- Et Condor, pour quelle raison ?
- Devine !
- J'imagine que le corbeau de ton roman avait perdu pas mal de duvet et de plumes dans la nuque ou sur la caboche, c'est bien ça ? Et que cette calvitie (surprenante pour un oiseau de son espèce) le faisait ressembler à un oiseau de proie,  non ? A un vautour d'Afrique ou à un condor des Andes ou de Californie... mais un condor a plus de classe qu'un vautour, non ?
- Onyati ! Le corbeau de mon roman avait, en effet, perdu une bonne partie de sa chevelure dans le combat singulier qui l'avait, jadis, opposé au renard (lequel, comme chacun sait, l'avait dupé, déshonoré et avait même tenté de le croquer)... et aussi, par la suite, lors d'interrogatoires musclés, de passages à tabac; séances de tortures et d'arrachage d'ongles et simulacres d'exécution auxquels avaient procédé, au nom de la Haute Hiérarchie, des instrumentistes de la sorcellerie (corps habillés en bleu et en kaki travaillant pour les "services" et obéissant aux ordres des crapuleux) ! Et je l'appelle aussi Condor parce que... Ata azanga suki !, le corbeau de mon roman ne manque pas d'allure, fait montre d'envergure, affiche une sacrée gueule, continue de protester et de gueuler... et qu'il n'a rien perdu de sa dignité et de sa pugnacité !
Vieux Condor, donc, un corbeau de haute futaie, à la tête dénudée, grand de taille, de constitution plutôt vigoureuse (même s'il se trouve aujourd'hui cabossé, qu'il boitille de l'aile gauche et qu'il a perdu l'usage de certains de ses ongles), a toujours été un meneur et un harangueur talentueux. Ancien animateur d'un groupe de djeuns particulièrement turbulents, c'était lui qui, autrefois, montait les coups, entraînait toute sa bande dans l'attaque en piqué de troupeaux d'envahisseurs : des scouts ou des colons conquérants, insolents et présomptueux ou des touristes tapageurs, destructeurs et pollueurs se déplaçant en colonnes. Vieux Condor plongeait sur eux, les survolait, les pourchassait et... Bapaya libanda abima ! Videz vos poches et retournez d'où vous venez ! Bapaya nyoso babima !, les terrorisait jusqu'à ce qu'ils lâchent leurs sacs à dos, malles cantine ou paniers de pique-nique, abandonnent sur place pommes et mangues, biscuits de survie, tartines aux oeufs brouillés et sandwichs au jambon, brochettes de sauterelles, kamundele, épis de maïs (bouillis ou grillés) et cornets de frites-mayo, kwanga, sardines en boîte (ou Tupperware de boulets sauce lapin), cannettes de bière, bouteilles de Mateus mises au frais dans des frigos portatifs et même, parfois, une calebasse de masanga ya mbila achetée au bord de la route à un vieux tireur de vin de palme. C'est lui aussi qui, parfois, partait seul, en avant-garde, à la recherche de nourriture pour les membres de sa bande.

Dans le temps, en effet, Vieux Condor était capable de découvrir un cadavre d'homme ou d'animal (ou même le peu qu'il en restait après l'une ou l'autre épouvantable boucherie réalisée secrètement à des fins sexuelles, lucratives, distractives, politiques ou rituelles : une carcasse qu'on retrouvait sans langue, sans organes génitaux, sans oreilles, sans lèvres ou sans cormes, les bois, les pattes, les pieds, les mains ou la queue coupés, le peau enlevée, les dents extraites, le coeur et le foie arrachés, les orbites dénoyautées, les tripes éparpillées...) caché sous un tapis de feuilles mortes.
Et sachant aussi surprendre, dépister, démasquer et débusquer les meilleurs morceaux de ngulu ou de makayabo enfoncés au plus profond d'un plat de madesu, une famille nombreuse de cancrelats squattant un vieux frigo à pétrole, un homard  tapi dans son terrier, un bonbon à la menthe déjà déballé et à peine sucé qu'un certain Odyssée (cet pote-là, je vous le présenterai plus tard, son heure n'est pas encore venue) avait oublié au fond des poches de son long manteau poisseux, un gecko et un crapaud réfugiés dans des baskets puantes qui avaient été chassées de la maison par leur maître et qui avaient dû passer la nuit sur la terrasse,à l'extérieur, un préservatif usagé (conservé comme un indice, un témoignage, un souvenir ou une sainte relique) dissimulé dans le dos de la reliure d'un missel romain ou un fromage de brebis ou même un Ettekeis très odoriférant planqué dans le cabas ou le kitunga de Perrette, une jeune fermière de la Petite Suisse qui, très tôt le matin, légère et court vêtue, cotillon simple et souliers plats, menait paître ses moutons au Bois de la Cambre ou dans les jardins de l'Abbaye du même nom ou descendait la chaussée de Boendael et... Lalalala ! Lalalalère !, s'en allait vendre son lait et les produits de sa ferme au marché dominical de la place Flagey, longeait le Van Oo, l'Hôtel-Dieu de la châtellenie d'Awel, aguichait Jipéji et flirtait avec Diderot (toujours alerte et fripon, le vieux galant), faisait des grâces à toutes les divines et diaboliques créatures, atournées et pimplochées (les Nanas Benz, les Dames Hersent, les Ma Mbutu ou les Dirty Duchess, les épouses titulaires et les courtisannes particulières d'autorités sorcières, les mères supérieures et les patronnes de pressing), à qui cette jeunette insolente disputait le coeur du gigolo et du maquereau (c'est selon), embrassait sur la bouche Anne-Antoinette Champion et toutes les suivantes de cette première dame : Madeleine de Puissieux, Maman Catherine Deux de Russie (portant des chapelets de gousses d'ail autour du cou), Maman Louise d'Epinay et sa copine Jeanne-Catherine Quinault (appelée Madame de Maux du nom de son mari), Mademoiselle Jodin, Madame Madin, Marguerite Delamarre et Suzanne Simonin...

Okéé...
Calmons-nous ! Calmons-nous ! Calmons-nous !
Revenons rapidement à notre personnage principal et à ses tribulations ! Cessons d'indisposer... Délires ! Divagations !, ou d'effaroucher les lecteurs pusillanimes, cessons de nous disperser, licencions nos délires, externalisons nos divagations et concentrons-nous sur notre core-business : les aventures de Vieux Condor (alias Kovo, alias Mukokoli, alias Mutu ya Libandi) et de Lédenté (alias Mapengo)

L'odorat de Vieux Condor (qu'on surnommait également Zolo Esalakate ou Zolo Ekufa) s'était atrophié après une curieuse mésaventure dont les fabulistes s'étaient fait largement l'écho et qui l'avait couvert de ridicule : depuis qu'il avait imprudemment ouvert son large bec et naïvement laissé tomber sa proie, Vieux Condor n'était même plus capable, en effet, de distinguer, au nez, un camembert moelleux de Normandie d'une savoureuse kwanga blanche et pete-pete du Bandundu, de l'Equateur ou du pays Kongo, un gigot de gazelle fraîchement abattue de la vieille charogne desséchée d'un cabri écrasé par un camion militaire déglingué conduit par un chauffeur ivre et dont les freins avaient lâché.
Penaud, mortifié, ayant perdu beaucoup de plumes dans cette histoire, piqué par un moustique-tigre ou rongé par un cancer ou atteint par un virus ou une flèche empoisonnée... Azui kipelekesa !, et pisté depuis lors par des thérapeutes, des enquêteurs, des psychologues, des coachs et des assistants sociaux, des coiffeurs et des esthéticiennes, des chasseurs de gibier ou de coupeurs de tête sans états d'âme, victime d'un traumatisme psychologique grave et d'un choc anaphylactique profond (erythème, urticaire, baisse de la tension artérielle, gonflement des lèvres, tachycardie, nausées, vomissements, diarrhée, etc), l'aile gauche pendante, emmitouflé dans une vieille écharpe dont il ne se séparait jamais, Vieux Condor, le "Phénix des hôtes de ce bois" avait cessé d'être un renifleur hors pair et un détecteur d'arômes rares.

Enseignant harangueur ayant réussi jadis à soulever l'enthousiasme de ses étudiants, musicien rumba-punk très apprécié des mélomanes de la Tshangu, de Matete et de Yolo-Nord (l'ancien avant-centre de l'attaque-chant d'un orchestre de la nouvelle génération désireux de changer l'avenir, de faire entendre aux djeuns une musique différente et de les inviter à jouer eux-mêmes de tous les instruments) connu pour avoir composé des nzembo particulièrement entraînants, audacieux et insolents ou vendeur à la criée s'étant montré capable de transformer une foule en colère en une assemblée revendicatrice (se servant d'un mégaphone à piles vendu par les commerçants chinois, coalisant et fédérant les mécontents de tous bords et de partout, les appelant à se rassembler et à manifester, brandissant des pancartes, distribuant des sifflets et des vuvuzela ou suggérant aux indignés d'organiser un grand chahut en battant du tambour ou en frappant le cul des bouteilles et en tapant en cadence sur des casseroles, incitant les protestataires à résister, à se défendre et à contre-attaquer en lançant des mangues pourries ou des cacas Molotov sur les corps habillés en bleu ou en kaki), Vieux Condor avait, dans chacun de ses rôles, profondément déplu à la Haute Hiérarchie, commandeur de tous les sorciers, et à ses principaux collaborateurs chargés respectivement de l'agit-prop, de la sécurité sorcière et des affaires économiques, financières, agricoles, forestières, pétrolières et minières particulières, à savoir, pour rappel :

- Ysengrin, le sorcier légataire et administrateur général des "services"Chef de brigands et grand organisateur de coups montés et de crimes d'Etat, Ysengrin est réputé commander et orchestrer (à la demande expresse de la Haute Hiérarchie... ou de sa propre initiative, en fonction de ses intérêts particuliers) ou, à tout le moins, "couvrir" et "exploiter" l'ensemble des actes de brigandage policier, politique, constitutionnel, électoral, diplomatique, sécuritaire, militaire et judiciaire et autres agissements en marge de la loi dont se rendent coupables les sorciers de tous bords (régaliens, feudataires, légataires, proconsulaires ou territoriaux), les crapuleux et les instrumentistes répondant à leurs ordres

- Tshaku, le sorcier régalien en charge de l'agit-prop. Egalement appelé Goebbels ou Buka Lokuta (2ème du nom) ou "le Vuvuzélateur", Tshaku est le menteur public au service de l'Etat sorcier. Tshaku est féru dans l'art du brigandage intellectuel, du bourrage de crâne, de la contrevérité, de l'imprécation, de l'anathème, de la campagne de dénigrement. Il est également réputé constituer de milices de Pomba ou de Wewa "gros bras" (recrutés à De Bonhomme, Ndjili, Matete ou ailleurs) dont il se sert (moyennent le versement d'une "motivation" de  65 dollars par personne s'engageant à participer, sous le protection des corps habillés en bleu, à une contre-manifestation violente avec gourdins et barres de fer) pour intimider les opposants ou disperser les manifestations (non seulement à Ndjili mais aussi à l'intérieur du pays: à Lodja, etc). Tshaku est une fistune anale perfide et putride, nauséabonde et purulente. Il  trahit et assassine Patrice-Emery Lumumba tous les jours, en cochonne la mémoire et en pervertit la pensée politique

Bouki l'Hyène, alias "L'Affairé" ou "Le Ventriote", le prototype de sorcier feudataire. Les sorciers dits "feudataires" sont très nombreux et aussi voraces les uns que les autres si bien que "Bouki l'Hyène"est un nom de genre plutôt que le nom d'une seule personne : les hyènes, en effet, vivent en meute  et sont capables de réduire à néant une entreprise, un service public ou un projet de développement en quelques années, voire en quelques mois; leurs groupes comprennent des dominants et des dominés... et les dominés doivent régulièrement soumettre leurs organes génitaux à l'inspection  des dominants et, particulièrement, de la Haute Hiérarchie et de ses "services". Bouki l'Hyène est chargé de gérer, pour le compte de la Haute Hiérarchie, différents trafics, "protections", affaires juteuses et autres actes de brigandage économique, social et culturel: détournements de fonds publics, opérations retour et blanchiment d'argent, trafics d'armes, de bois rares et de minerais précieux, abattage d'espèces "en danger", prospection pétrolière dans les parcs naturels, expropriation des paysans de leurs terres ancestrales, mise au travail forcé de Blanche neige et de ses sept nains envoyés creuser dans les galeries minières de la sorcellerie...


La Haute Hiérarchie avait donc instruit  ses principaux collaborateurs d'exclure le corbeau de tous les concerts et de tous les marchés.
- Tshaku a décrété que je puais du bec, que j'étais extrèmement contagieux, que je constituais une menace pour la sécurité de la sorcellerie, que j'étais interdit de scène et d'antenne et que je ne pouvais plus recueillir les plantes et les témoignages des gens ni m'exprimer par voie de presse ou de communiqué, ni fréquenter des artistes, des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme ou des diplomates, ni me produire, sans autorisation préalable, devant quelque assemblée que ce soit ! 
- Et Ysengrin ?
- Ysengrin m'a fait embarquer et tabasser par les corps habillés en bleu ou en kaki et m'a sérieusement mis en garde. Il m'a fait arracher les ongles par les instrumentistes des services... Pour que tu ne puisses plus griffer personne !, et demandé de quelle mort accidentelle et naturelle je préférais mourir: empoisonné par des champignons, croqué par un chien d'attaque, noyé dans un kikoso ou dans des latrines ou foudroyé par Kake... A titre conservatoire, il a ordonné la confiscation immédiate de ma carte d'électeur et de mon contrat de travail, de mon micro et de mon porte-voix, de mon stylo et de mon ordinateur, de mon téléphone portable et de mon passeport !
- Et Bouki ?
- Bouki l'hyène a cherché à m'isoler et à m'affamer ! Il a fait abattre tous les arbres sur lesquels je perchais avec ma bande ! Il a ordonné d'assécher les étangs et les autres point d'eau dans lesquels je me lavais et m'abreuvais! Il a fait mettre le feu à la savane pour détruire les fruits, les champs de mil et d'arachides, les nids d'oiseaux, les limaces, les insectes et toutes les petites proies dont je faisais mon ordinaire ! 

Mais Vieux Condor... Ata physiquement bosselé ou déglingué !, esprit libre et mutin, ne se laissait jamais abattre par le mauvais sort, n'abdiquait jamais, ne se résignait jamais, ne baissait jamais les bras, refusait d'échouer, tenait bon... Match esili te ! Revanche ekozala !, continuait de lutter et de résister et ne se soumettait jamais, jamais, jamais, jamais, JAMAIS ! 
Bien qu'ayant perdu son arbre, sa bande et son odorat, Vieux Condor était toujours capable en effet (et il ne s'en privait pas) de donner de très beaux coups de bec : non seulement pérorer, kokretcher (et kotonga batu), décocher des propos assassins mais aussi écrire de très belles missives, signées ou anonymes, en lettres capitales ou gothiques, à l'ancienne, sur du vrai papier ou sur le web.
Et ces talents de témoin sarcastique, de colporteur et de partageur d'idées, d'insulteur de l'ordre établi et d'écrivain public l'amenait souvent à collaborer avec d'autres gens de bouche et de lettres : avec, d'une part, un facteur à vélo qui aimait ramasser, transporter et rapporter les potins de toute la région en distribuant le courrier et, d'autre part, avec un certain Monsieur Pinchon... Un "sauvaaache", autiste, paganiste, anarchiste ou sataniste, disaient les habitants du hameau des Boucs où il s'était installé !, qui prenait le plus grand plaisir à être au courant de tout sans se montrer jamais et à s'informer, auprès de son facteur, de tous les derniers songi-songi, "blagues" ou histoires ciculant dans les fermes, boulangeries, cafés sans Dieu et cafés des syndicats chrétiens, bordels et presbytères des villages environnants de même qu'à envoyer au loin des plis ou des billets secrets, écrits à la main, glissés  dans de vraies enveloppes et à recevoir des épitres, bafouilles et cartes postales, timbrées et cachetées, venant de l'autre bout du monde .

Chaque matin, avant de s'adonner à sa passion quotidienne du libelle et de l'imprécation, de l'observation de la société sorcière et de la dénonciation de l'arbitraire, le corbeau passait son bec sous une aile puis sous l'autre, s'arrachait une plume à l'aile gauche, jetait des graines de diamba... Bolia likayabu ! Bofeta matima ! ou lançait ses lignes appâtées, soufflait dans ses appeaux, attendait que ça morde et que les poules et les perdrix accourent, s’efforçait de mettre en rang les mots épars qui s'étaient cachés dans les buissons et s'y étaient creusés des nids, taillait des flèches, aiguisait des couteaux et se mettait à rédiger, proférer ou diffuser ses pamphlets, diatribes et déclarations d'amour, invectives, slogans et calicots, harangues, proclamations, mots d'ordre, actes d'accusation et appels au soulèvement d'un seul trait, sans hésiter, sans trembler et... Pftt Flac !,  fiantait avec précision sur la barrette du curé et le képi du garde forestier et... Pftt Flac !,  sur le parebrise blindé, les vitres fumées ou l'antenne de télécommunication de la 4x4 de commandement d'Ysengrin, l'administrateur général des "services"  et... Pftt Flac !, sur l'attaché-case de Bouki l'hyène, l'affairé en charge de tous les méchants et juteux trafics des sorciers et... Pftt Flac !, sur la micro nauséabond de Tshaku, le menteur public et porte-parole de la Haute Hiérarchie.

Okéé...
Après avoir présenté Vieux Condor (alias Kovo, alias Mukokoli, alias Mutu ya Libandi) (alias Zolo Esalakate, alias Zolo Ekufa)  il serait temps de passer à Lédenté (alias Mapengo), non ?




Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
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SCC8/2 - Pavillon 2 : MUTU AZANGA MINO




Celui qu'on appelait Lédenté avait toujours travaillé comme coureur des bois et coupeur de routes indépendant, servant ses propres intérêts et ceux de sa famille et ne répondant aux ordres de personne. 
Mais, à présent, ce déluré, ce coquin, ce roublard et ce débrouillard n'était même plus capable de vivre et de manger normalement. Ni de ronger des côtelettes, ni de broyer des petits os, ni de grignoter (soigneusement, avec délectation, en prenant tout son temps) des épis de maïs ou des plants de canne à sucre ni d'enfoncer ses canines dans une cuisse de cabri (chouravée dans une cuisine), à l'entrée de son terrier, ni de serrer dans sa gueule un canard, une oie, une poule, une pintade, un pigeon, une pie, une corneille, une caille, une perdrix, un paon ou un dindon, une cigogne ou un héron, un campagnol (mais délaissant les taupes et fuyant les musaraignes), une gerbille, un écureuil, un porc-épic, une marmotte, un raton laveur, un agouti...
- Allo coucou, petite chérie ! Hola querida ! Tu m'as encore appelé ?
- Oui, je me demandais... Un agouti vraiment ?
- Oui mais non ! En fait, le renard et l'agouti ne se connaissent même pas, n'habitent pas le même quartier et ne fréquentent pas les mêmes lieux. On peut donc supposer qu'ils ne se rencontreront jamais !
- C'est bien ce que je pensais, Douchka, tu écris n'importe quoi !
- Je ne vais pas te contredire, petite chérie, tu as toujours raison !
- Je sais ! C'est pourquoi il ne faut pas chercher à me tromper, Douchka  !ge
- Te couillonner, petite chérie ?
- Mierda de perro !
un lapin de garenne ou un lièvre (plus difficile à attraper), un chien des prairies, une belette, un furet, une mangouste ou un suricate...
Ni même de RIIIR à gorge déployée, ni de tousser, ni d'éternuer, ni d'éructer, ni de cracher un mollard... sans mettre la main devant la bouche (comme s'il était pris de bâââillements) pour bloquer son demi-râtelier de fausses dents, l'empêcher de profiter d'un coup de vent, d'une bourrasque, d'un orage ou d'un cyclone pour sauter du balcon, mordre le vide, rebondir sur le trottoir, disparaître dans un avaloir, être écrasé par un véhicule de la voirie  ou emporté par un corbeau hilare, nourrissant une vieille rancune et toujours à l'affût.
Ni ni ni ni de parler distinctement, ni de se faire comprendre de ses auditeurs, ni de se faire aimer de ses maîtresses. Ni même de ricaner, de persifler, de sarcasmer ou de goguenarder. Plus rien de tout cela.
Un stupide accident de circulation, en effet, avait sérieusement gâché la physionomie du vaurien et avait fait perdre au rouquin l'ascendant physique et sentimental qui l'avait rendu célèbre.
On rapportait, notamment, que son très beau visage, sa chevelure flamboyante, sa tchatche insolente, son allure élancée, sa longue queue touffue et ses grandes oreilles pointues avaient séduit de nombreuses femmes mariées désireuses de se soustraire au viol conjugal (fastidieux, insipide ou rebutant), de s'ouvrir une parenthèse de plaisir partagé, d'améliorer et de pimenter leur ordinaire, d'agrémenter leur statut de rideau ya ndako en s'autorisant quelques virgules aventureuses dans les bras d'un voyou ou d'un aventurier.
Parmi les conquêtes du renard, on citait notamment Dame Hersent (alias Ma Mbutu), l'épouse opulente et canaille d'Ysengrin, le terrifique administrateur général des "services"... un boyard brutal, cupide et cynique, un mvuandu bien fortuné, certes... mais fourbe et trompeur et dont le nez était morveux, les yeux chiassieux et le cul contraint (les mirettes, le tarin et l'anus de ce sinistre personnage étant constamment bouchés par des bapoti, des miyoyo et des selles boucanées dont il ne parvenait pas à se libérer)  !
En sus de Dame Hersent, on citait également la conjointe officielle du commandeur de tous les sorciers et responsable suprême de tous les "services", la "première dame de la sorcellerie", la "servante supérieure du Seigneur", la bourgeoise ou la doudou de la Haute Hiérarchie elle-même...  un autocrate et un tyran cousu d'or, certes, mais un mari négligent, maussade et cavaleur, un chef de groupe mafieux colérique, intrigant, sournois, retors, faux jeton et chattemite, sans humour et sans talent, s'exprimant difficilement et avec parcimonie, détesté par toute la population !
Et ce stupide accident avait sérieusement rabattu le caquet du fripon et l'obligeait à bien articuler, à parler prudemment, sans s'emporter, en s'appliquant... et à se retenir de pousser des gueulantes ou de RIIIR aux éclats. Et ce méchant coup du sort avait rendu le filou (presque) taiseux et avait fait perdre au forban une partie  de ses talents de dragueur impénitent et d'animateur de fêtes de mariage et de communion, de kermesses, de fancy-fairs, de soirées en boîtes ou de parties fines. Et cette funeste tribulation avait porté atteinte au crédit professionnel de l'arsouille... amenant de vieux clients (et aussi d'anciennes victimes, telles que le corbeau, bien sûr, mais aussi le paon ou le dindon) à douter des aptitudes présentes du truand à exercer, avec le panache et la virtuosité qu'on lui connaissait auparavant, ses fonctions ancestrales de chasseur flexible et polyvalent, d'entrepreneur de combines astucieuses, d'habile commissionnaire en affaires (de tous genres, en fonction de l'état du marché) et de "coopérant" ou "arrangeur de bidons".

La mésaventure du corbeau est bien connue de tous mais celle de son compère et compagnon de galère, le renard, l'est beaucoup moins. Je vais donc la rappeler.
- Allo coucou, petite chérie ! Hola caracola ! Une question encore peut-être ?
- Oui, dis-moi, Douchka... Ton renard aurait-il été happé par une débroussailleuse ou par une moissonneuse-batteuse alors qu'il cuvait sa bière ou se tapait une petite sieste, post-coïtale ou digestive, dans les blés ou les hautes herbes de l'Ardenne, au Royaume de Jupiler, Douchka ? 
- Pas exactement, petite chérie...
- Aurait-il été  renversé par une voiture en République autocratique du Luabongo alors qu'il traversait précipitamment la Nationale 1 pour fuir les boer-bulls féroces et sanguinaires des grands fermiers Afrikaners de Bukanga Lonzo qui l'avaient exproprié, avaient envahi son territoire et le poursuivaient haineusement ?
- C'est bien possible, petite chérie !
- Aurait-il été délogé par des concessionnaires chinois ou américains, chercheurs d'or ou de coltan ou d'autres pierres précieuses ou minerais rares au Sud et au Nord-Kivu, au Maniema, au Haut-Katanga, au Lualaba ou en Ituri ? Je dis chinois et américains... mais je pourrais tout aussi bien dire français, anglais, japonais, belges, canadiens, hollandais, indiens, suisses, sud-africains, espagnols, australiens, allemands, italiens, suédois, polonais, russes, coréens, brésiliens... 
- Tu y es presque ! Tu te rapproches,petite chérie ...
- Aurait-il été sommé de quitter la mine de Lupoto ? Aurait-il, avec d'autres creuseurs, été pris au piège par des travaux d'aménagement de la concession minière opérés par des engins de chantier, nuitamment et sans avertissement préalable  ? Aurait-il été enseveli à la suite du comblement de ses puits, tunnels et galeries ? 
- Tu brûles,petite chérie... mais tu n'y est pas tout du tout ! Ecoute donc (et prends tout ton temps car il s'agit d'un long chemin avec de multiples détours) la véritable histoire du remard... et comment Lédenté, Monsieur Pinchon et le facteur à vélo se sont rencontrés et ce qu'il est résulté de cette entrevue !





Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
Problème ezali te, cliquez sur : http://sosecra.blogspot.be/







SCC8/3 - Pavillon 3 : Une histoire normale pour gens normaux


Okéé...
Une histoire dans l'histoire, donc ! Un détour, une digression, quoi ! Comme un cancer qui phagocyte l'histoire principale !
Externalisons nos divagations ! Et voici donc une sous-histoire qui relate la rencontre mouvementée d'un renard, d'un facteur à vélo et d'un certain Monsieur Pinchon ! 
Une balade à la campagne ou à travers bois, sur une piste de brousse, une allée forestière ou un chemin bordé d'arbres et de haies. Et l'occasion aussi de rouler des joints à mes lecteurs et de les faire planer... de les distraire, de les embrouiller, de les enfumer, de les embrumer, de les mystifier et de leur donner le tournis... de jeter des mots saigneux et toxiques dans les broussailles et les fourrés pour escagasser, entortiller, circonvenir, élucubrer, dévoyer ou chausse-trapper les agents spéciaux A.Z. et P.K. qui cherchent toujours à me prendre en filature... de leur tendre une embuscade, de les flasher et de leur lancer des pétards dans les jambes, de les éblouir et de les assourdir, de les aveugler et de les étourdir, de les terroriser... ou de parvenir à les semer, de trouver une ouverture, de forcer une échappée et d'abandonner mes lecteurs et mes poursuivants en pleine forêt..
Une balade zinneke, mixte et métissée, dans un village bordant la forêt sombre de l’Ardenne ou la forêt claire du Kwilu, à Kiko ou dans les bois du hameau des Boucs qui bordent les routes de Jemelle, de Nassogne, de Masi-Manimba  ou de Harsin... Comme chacun voudra !, au Royaume de Jupiler ou en République autocratique du Luabongo... Comme chacun l'entendra !, ou encore du côté de Todomé, en République d'Awoyo, dans la savane giboyeuse et boisée du canton de Djaba.
Une ballade fantaisiste et imaginaire menant là où des lecteurs "aventureux" n'ont pas l'habitude de se promener, là où de prétendus "découvreurs de la nature" ne peuvent plus se référer aux arbres balafrés de balises rouges et blanches par les gardes forestiers, aux sacs de détritus et autres bornes olfactives (et petits tas de PQ) déposés au pied des feuillus par leurs prédécesseurs ou aux repères culturels installés par les préposés de la culture dite "mondialisée" au bénéfice des insectes ravageurs du tourisme dit "international"
Une balade allégorique en trois phases ou trois mouvements.
Okéé...

Il m'a cependant été rapporté que des gens "normaux" souhaiteraient que j'écrive désormais des histoires "normales" 
!  Et qu’ils se montreraient particulièrement insistants sur ce point !
Unité de temps, de lieu... et de quoi encore ?
Ça me pose un sacré problème ! Une histoire normale (ou une sous-histoire, c'est pareil) peut-elle trouver sa place dans mon roman qui se veut onirique, gouailleur, burlesque et extravagant ?
Par ailleurs, je ne sais même pas ce que c'est, une histoire normale, ni comment ça s'écrit !
Ni quelles sont les normes, les règles et les principes d'une bonne écriture !
Ni ni ni ni quels sont les clefs et les codes, les sauces et les épices qu’utilisent les hommes de l’art, les trucs et les astuces qui font le bonheur des faiseurs de livres en tous genres (à n'importe quel prix, dans n'importe quelle langue, sur n'importe quel sujet, de n'importe quelle manière, pour n'importe quel public, en vue de n'importe quel effet) !
Et je me demande qui sont ces gens normaux ? Et s'il est normal d'être normal et si ça ne cache pas quelque chose d'anormal ? Quels orgueils, préjugés, jalousies, rancoeurs, rackets, lâchetés, indignités et perversités cette normalité ne dissimule-t-elle pas ? Quelles angoisses, détresses, abcès buccaux, lupus, pelades, infirmités ou fragilités ? Quelle étoile d'anis, quel tampax, sparadrap ou dentier embusqué dans un gâteau des Rois ? Quels sous-vêtements fluos ? Quelle intolérance au gluten ? Quels boutons d'acné sur les fesses ou quelle démence neurodégénérative évolutive et irréversible ?
Et je me demande aussi pour quelles raisons, ils veulent qu'on leur raconte des histoires normales, ces gens normaux-là ? En vue de quel effet ?
Mais qu'ils aillent donc se faire foutre !
Et schtonk dans leur derrière !

Okéé...
Pourquoi, en effet, devrais-je me casser le cul à concocter des intrigues astucieuses (mais truquées) et organiser des jeux de piste pleins de suspense (mais sécurisés) pour gens normaux ? Avec exploration en profondeur d'émotions préfabriquées et retournements de situation spectaculaires (mais généralement inodores, incolores et tout à fait inoffensifs) ? Me faudrait-il aussi teinter en vert pomme, en rose fluo ou en bleu électrique les cheveux de mes personnages (pour permettre à des lecteurs-consommateurs de mieux les distinguer les uns des autres, sans trop se poser de questions) et les faire évoluer dans des paysages de synthèse, toujours ensoleillés, constamment balayés par des caméras de videosurveillance et gardés par des vigiles armés ?
Pour écrire, je n'ai pas besoin d'eux !
En effet, je n'écris pour personne d'autre que pour ma petite chérie, Ana (alias « No me digas », alias  « Increïble  », alias « Ata yo moko »,  alias « Eza somo »  ou « Eza na tina te »), ma femme mariée...
- Hola caracola ! Hola querida ! Toujours sceptique et suspicieuse, petite chérie ?
- A juste titre, Douchka, non ?
- C'est comment, petite chérie ? Confiance ezali lisusu te, oh ?
- Faute ya yo moko, eh !
qui m'écoute parfois (avec prudence ou exaspération et jamais trop longtemps) débloquer ou divaguer, m'aide souvent à retrouver des noms communs rares ou des noms propres oubliés, pousse quelques soupirs d'exaspération... Tu me harcèles comme une mouche qui veut qu'on lui ouvre la fenêtre !, gloussements d'indignation ou exclamations de RIIIR mais ne se donne jamais vraiment... Je te connais trop bien, Douchka ! Nayebi yo malamu ! Ozali kizengi trop ! Et je sais déjà que tes histoires seront vaseuses et qu'elles vont m'énerver !, la peine de me lire à fond et qui prend plutôt plaisir à m'interrompre, à me contredire et à me contrarier et qui me regarde alors avec des yeux non pas de biche attendrie mais (passant d'un regard à l'autre) de prédatrice irritée et m'envoie valser dans les ronces, les orties, les chardons, les cactus et les agaves ou dans une haie d'épineux, un bosquet de houx, une couronne d'épines d'acacias et un rouleau de barbelés et qui me balance, à l'emporte-pièce, des commentaires en lingala ou en espagnol (voire en catalan de la Comunitat Valenciana) : "Eh ! Ce sont mes langues de résistance à l'oppresseur, dit-elle ! Non réductrices à ton français tout-frais-chié ! Non réductrices au chinois de l'avenue du Commerce et de l'Industrie ou à l’anglo-dutch-américain-allemand des bourses de Londres et de New York, de la Banque mondiale, de l'Union européenne et du FMI ! Je me protège, quoi ! Et je me ménage ainsi, explique-t-elle encore, quelques espaces de pensée et de culture autonomes !".
J'écris pour elle et elle ne me lit jamais. C'est finalement très reposant.
Mais je l'adore, ma femme mariée, ma tomate verte de Valencia qui murit et rougit de l'intérieur, à partir du coeur... Ana, mon emmerdeuse, mon origine de la vie et ma fin du monde, mon pancréas et... Tu ne pourrais pas être un peu plus sympa, Douchka ?,  ma vésicule biliaire, mon être humain, mon éminence grise et mon âme damnée, ma belle brocante, ma décoiffée, mon Aliénor d'Aquitaine aux cheveux libérés... faudrait surtout pas croire !

Okéé...
Trois phases ou trois mouvements (ou plus) annonçais-je, parce que je n'aime pas conduire d'éventuels lecteurs sur des autoroutes balisées, à sens unique et à destination prévisible, sans pièges à éléphants ni risques à assumer.
Et parce que les histoires trop bien agencées, trop bien ficelées, sans sortie de secours ou possibilité de fuite pour les lecteurs et pour l'auteur lui-même (renoncer à RIIIR ou à écrire, s'évader en montgolfière pour échapper à la guillottine, se retirer avant d'éjaculer, faire demi-tour, perdre carrément le fil de son histoire, passer subrepticement du virus à la bactérie, du marché de la place Flagey à celui de Noépé ou de Yolo Ezo, rendre son tablier, remettre tout à plat, se faire couper les cheveux par une nuit de pleine lune, s'enfuir par un soupirail, une lucarne, un hublot ou la fenêtre des toilettes, reprendre sa mise ou ses billes et se barrer vite fait, repartir de zéro, ouvrir un autre front) me font gerber.
Contrairement à mon pote Odyssée (cet pote-là, j'en ai déjà parlé mais je le présenterai plus en détail par après, dans une autre séquence de la Sosecra, un séquence encore à retrouver et à restaurer) qui s'invente des aventures avec une facilité déconcertante et... Pour un bol de soupe et des oeufs durs !, n'éprouve aucune gêne à raconter des carabistouilles aux professionnels ou aux amateurs de la compassion et à balancer toutes sortes de craques aux corps habillés qui l’interpellent... tandis que moi, je pédale, je patine, je souque, je patauge dans la merde et le poto-poto, je ruissele.
Moi, à chaque histoire, je dois trouver les mots qui lui conviennent et le style et le tempo qui "vont avec". Et c'est parfois très compliqué.





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SCC8/4 - Pavillon 4 :MONSIEUR PINCHON, sa baraque et son cochonnet




Une histoire dans l'histoire donc.
Début de la sous-histoire. Première phase. Clap.

Un facteur... Driiiiiiing Ngging !, s'était engagé à vélo sur une piste de brousse ou dans un mauvais sentier mal empierré menant à une petite maison éloignée de la grand-route et proche des bois.

Mis à part un fermier propriétaire qui rendait visite à Monsieur Pinchon une fois par mois pour prendre des nouvelles de son bien (et des arbres de son verger dont l'occupant des lieux avait la jouissance, s'enquérir de la collecte des fruits et prélever sa dîme) et de son loyer... et qui s'attardait, ne refusait pas de boire un p'tit pékèt et se plaisait à parler du temps (dont il avait toujours quelque chose à dire), philosopher et commenter l'un ou l'autre proverbe de circonstance, s'inquiéter du cochonnet qu'il avait jadis offert à son locataire...
- C'est quoi encore ton nom, m'fi ? J'oublie toujours...
- S'il vous plaît, appelez-moi Stan, ça me ferait grand plaisir ! Mes amis m'appelent Stan !
- Stan comme Stanislas, m'fi ?
- Ou comme Afghanistan ou comme mangoustan... Kiekiekiekeeee ! Ou comme Satan... Kiekiekekeee !
- Comment va ta truie, m'fi ? Elle a bien grandi ! Je vois qu'elle est devenue une belle dame, tu devrais penser à l'enfermer... ou à la marier ! Avant qu'elle ne se fasse monter par les potamochères qui rôdent aux alentours...
le facteur à vélo était une des seules personnes à emprunter régulièrement ce chemin bordé d'arbres et de haies conduisant à l'ancienne maison, longtemps laissée à l'abandon, d'un garde forestier ou d'un braconnier...

Je mets en route mon récit, j'engage les premiers mots, j'introduis quelques personnages dont je ne suis même pas sûr qu'ils tiendront la route, je situe le lieu de l'action très approximativement... et déjà ma femme mariée s'énerve au téléphone
- Un chemin bordé d'arbres et de haies, la maison d'un braconnier ou d'un garde forestier... cela commence bien, ton histoire à la con, Douchka !
- Allo coucou, petite chérie ! Hola guapa ! Likambo nini ?
- Je sens qu'on va devoir se taper du Petit Chaperon rouge qui, après avoir étudié ses leçons, terminé ses devoirs, bu son chocolat et mangé une grosse pomme verte et bien juteuse, met son loup en laisse et l'amène promener dans la forêt, faire son jogging et ses grandes et petites commissions !  
- M'enfin...
- Ou encore du Petit Poucet proposant à la Mère-Grand de sa copine de dealer du lofimbo, du mogomboro, du kimbialongo et d'autres racines ou lianes aphrodisiaques ramassées dans la forêt... pour s'attirer les faveurs d'amants courageux, endurants et pas trop regardants !
- M'enfin, tu exagères...
- Ou encore cueillant pour la vieille des champignons hallucinogènes devant l'aider à avaler sa chique tout en prenant son pied, à l'aisément ! 
- M'enfin, petite chérie...
- Je te connais tellement bien ! Avec toi, je sais qu'on peut s'attendre à tout, ça craint trop !
- M'enfin, je te présente un lieu, petite chérie, c'est tout : le lieu où est censée se dérouler mon histoire normale pour gens normaux ! Une simple baraque...
- Une baraque tranquille au sol en terre battue et au toit couvert de chaume, j'imagine ! Une "chaumière" comme on dit dans les vieux contes, Douchka ? 
- Oui mais oui, petite chérie, bien sûr ! Comme dans un vrai conte écrit (ou transcrit) par Narada (le conteur céleste, troisième avatar de Vishnou), Esope ou Phèdre, Ibn Al-Muqaffa, Feng Menglong ou Ling Mengchu, Charles Perrault ou les frères Grimm, Ernst Theodor Wilhem Hoffmann, Hans Christian Andersen, Kunio Yanagita (avec des réserves) ou Tsuneichi MiyamotoBirago Diop, Amadou Hampâté Bâ, Joseph Calozet, Dieter Comès, Azé Kokovina ou In Koli Jean Bofane  ! C’est bien ainsi qu’il faut la voir, cette espèce de "chaumière" ou cette baraque  tranquille de mon histoire normale pour gens normaux : une chaumière toute simple (sans escaliers, sans cave ni grenier, sans recoins)... toute simple mais néanmoins spacieuse comprenant trois pièces avec poutres apparentes, un magasin sans fenêtre et un grand jardin avec potager et verger, une façade proprette et des murs intérieurs blanchis à la chaux, un feu de branches, de bouses séchées ou de charbon de bois... avec une faux, une fourche, une lance ou un épieu planté à l'entrée de la parcelle pour mettre en garde les importuns... et, tout au fond du jardin, autour d'un arbre à poules, des champignons peints à la myrtille, à l’huile rouge, à la pelure d’oignon, au bleu de lessive, au makala, au jus d'épinard ou de bitekuteku, au jaune d'oeuf et au sang de bœuf. Des champignons de toutes les couleurs sur lesquels on pouvait s'asseoir mais qu'on ne pouvait ni cueillir ni manger !
- No me digas !

C'était une baraque très tranquille où un homme vivait seul et à l'abri des regards, un homme sans âge (précis) dont personne… Sauf le facteur évidemment !, ne connaissait le nom (exact) et que les habitants du hameau des Boucs appelaient Monsieur Pinchon.
- Il y avait seulement de la lumière dans la baraque tranquille de ton histoire normale et dont je sais déjà qu'elle sera vaseuse et qu'elle ne me fera même pas RIIIR...
- Ni même bander... ajouterait Jipéji !
- Bon bref, on y voyait suffisamment clair dans cette baraque ?
- Oui mais non ! Pas de courant mais la lumière du jour ! Et, en soirée, on s'y éclairait au feu de bois, à la lampe à pétrole ou au chandelier ! De toute manière, le bonhomme préférait fonctionner au soleil… dont il aimait suivre le rythme, disait-il... et qui ne lui envoyait jamais de factures ! Ni de rappels insolents, ni d'avis de coupure grossiers et péremptoires !
- Et l'eau courante, il y en avait dans la baraque normale de ton histoire normale (et vaseuse...) ?
- Oui mais non ! Une touque recueillant l'eau de pluie, un  puits, une pompe, un étang ou un ry à moins de deux cent mètres à vol d'oiseau ! On est dans la forêt quand même, pas dans le Sahel !
- Une voiture, peut-être ?
- Non mais non ! Et pour quoi faire ? Pas de voiture ! Ni de moto, ni de vélo ! Ni de toleka ! Ni de véhicule attelé ! Pour aller où, faire quelles courses, aller à quel marché, rendre visite à qui ?
- Pas même une charrette à bras, un pousse-pousse ?
- Une brouette seulement pour le potager, le travail de la terre, la taille des haies du chemin et les soins à dispenser aux pommiers, aux pruniers, aux manguiers et à l'unique (mais très généreux) cerisier du verger !
- Pas non plus de téléphone, de radio ou de télévision, Douchka ? Pas de phonie, pas d'internet ?
- Bien sûr que non ! Pas de courant, ni de wifi, ni de piles, ni de batteries, ni de groupes électrogènes, ni de mini-barrage, ni de panneaux solaires, ni de grille-pain, congélateur, frigo, four à micro-ondes, friteuse électrique ou autres appareils fonctionnant à l’électricité ! Rien ! Pour appeler qui et regarder quoi ? Pour quel temps à gagner ou quel profit à engranger ? Et aucun objet de valeur non plus à l'intérieur de la baraque tranquille de cette histoire normale !
- Vraiment rien ?
- Rien, j'te dis ! Sauf une cuisinière à bois (à l'intérieur) et un mbabula (sous un auvent), des casserolles en fonte, en cuivre ou en terre cuite, une table (surmonté d'un attrape-mouche que les guêpes et les moustiques évitent habilement... mais pas les papillons), un tabouret et deux chaises, un piano à queue (également surmonté d'un attrape-mouche accroché à une poutre du plafond) et un secrétaire à abattant !
- Un piano ? Pas même un cor, une trompe ou un tambour de chasse ?
- Un piano, quelques armoires et un lit ! Et un cochon rigolard et virevoltant qui, pendant la journée, se déplaçait et gambadait dans baraque, dans la parcelle et même dans les environs, librement ! Et qui prenait beaucoup de place !
- Un cochon ?
- Ee, un cochon !
- Pas de compagne ni de compagnon ?
- Personne, j'te dis ! Pas de voisinage et pas de compagnie... sauf celle d'un cochon ! 
- Un cochon ? Ya solo ? 
- Eee !
- Pas même une ânesse, une chèvre ou une brebis ? Pas même un chien, une chatte ou un perroquet ? Ou quelque chose de plus original : un rat des roseaux, une couleuvre à collier ou un hibou à oreilles de chat  ? 
- Tee ! Un cochon, kaka ! Un cochon, enfant de cochons, avec un père cochon et une mère cochonne ! Et des grands-parents pareils ! 
- Un simple ngulu ? Un cochon de la ferme, tout à fait ordinaire, sans pedigree ? Un porcus vulgaris ? Pas même un potamochère ou un sanglochon ?
- Boye ! Un cochon ordinaire, tout rose, fruit des premières amours d’une cochette et du verrat qui l'avait déviergée ! 
- No me digas ! 
- Un cochon ordinaire mais... un cochon affranchi, ce qui devient de plus en plus rare dans les campagnes ! Un cochon non déclaré à l'administration, sans plaques d'identité agrafées sur les oreilles, n'ayant pas reçu d'éducation ardennaise de haut niveau dans une école privée (dont la boucherie Magerotte de Nassogne serait le pouvoir organisateur ?) et n'ayant pas non plus été exhibé et primé au marché du cochon de Chevetogne !
- Increïble !  Extravagante ! 
- Un cochon ordinaire mais... un cochon de caractère aussi, avec une forte personnalité ! Vif, intelligent, très remuant, au regard langoureux, capricieux et jaloux comme un roquet d'appartement, sachant ce qu'il veut, se déplaçant et s'exprimant sans entraves, n'hésitant pas à ouvrir sa grande gueule et à exprimer son point de vue de cochon sur n'importe sujet de société ! Un vrai cochon, à l'ancienne, vagabond, libertaire et indiscipliné ! Un cochon presque marron (si ce n'est qu'il restait très ataché à sa mangeoire et à son maître... dont il veillait à ne pas perturber les concerts par des grognements intempestifs)
- No me digas ! Mais d'où vient-il ce cochon-là ?
- Il s'agissait, au départ, du mignon petit goret, de la taille d'un marcassin, offert à Monsieur Pinchon par le fermier propriétaire... Comme garde-manger,m'fi ! T’as plus qu’à l’engraisser mais tu commences par lui donner le biberon, m'fi !, en prévision de l'hiver prochain ! Un joli petit cochonnet dont Monsieur Pinchon, à court d'affection, n’avait pas tardé à tomber amoureux et dont il avait fait son animal de compagnie... C'est qu'on s'attache vite à ces biesses, m'fi !, et le porcelet de Monsieur Pinchon, soustrait au camp de concentration, de reproduction et d'abattage de l'éleveur-fermier, était devenu une matrone replète, adulte et consentante... et avait déjà survécu à trois ou quatre hivers !
- Somo ! Ba mindele vraiment...

Monsieur Pinchon, par ailleurs s'acquittait régulièrement de son loyer mais ne semblait pas exercer de sot métier visible.
On le soupçonnait dès lors d'être un peu tout le monde: un ancien mytiliculteur rongé par le sel de mer et réfugié à la campagne, un gogo-danseur éloigné des pistes, des bals et des podiums après avoir été défiguré par un zona invalidant, un ancien évangélisateur (un Monon venu d'Irlande ou d'Ecosse ? un Van Goch chassé du Borinage par des mineurs en grève ?) qui aurait perdu la foi chrétienne, serait devenu aphone, se serait converti au paganisme, à l'animisme ou au druidisme et aurait été relégué par les « services » de son archevêché de référence dans un prétendu village de ses ancêtres, n'importe quoi !
Ou encore un directeur d'école interdit d'enseignement pour avoir enceinté six ou sept de ses élèves mineures, un archéozoologue (ou un médiéviste paléobiologiste) parti à la recherche de sites historiques fréquentés jadis par les bandes armées de Guillaume de la Marck et essayant de se fabriquer un arbre généalogique de vigoureux ancêtres ardennais, un superman qui ne retrouverait plus la cabine téléphonique dans laquelle il avait déposé ses fringues, le préparateur psychologique d'une équipe de football d'Assahoun, de Kikwit ou de Saint-Hubert, un maître-chanteur ou un trafiquant de potins et de drogue travaillant en collaboration étroite avec un facteur à vélo et un corbeau réputé expert en médisances et en récriminations, n'importe quoi !
On prétendait également qu'il avait des talents de devin, de guérisseur, de relieur de vieux dictionnaires et de raccommodeur de parapluies et d'éventails ! Et qu’il lui arrivait, de temps en temps, de sacrifier des poules blanches ou rouges à des dieux inconnus !
Et qu'il connaissait des herbes vertueuses et fabriquait des onguents qui guérissaient instantanément les blessures les plus graves, cicatrisaient les plaies ouvertes et régénéraient les chairs meurtries !
Et d'autres plantes, herbes ou racines encore qui lui permettaient de chasser les moustiques et d’attirer les abeilles, d'envoyer des vaches dans les nuages et d'accrocher des poissons aux branches le plus élevées des hêtres, des chênes ou des manguiers, d’aider les femmes à avorter et les hommes à roidir leur sexe !

Monsieur Pinchon ne se souciait guère de l'opinion des villageois (qui le dénigraient le matin, le midi, l'après-midi et en début de soirée mais qui, le plus souvent, venaient le consulter en cachette, une fois la nuit tombée). Il menait une existence discrète et faisait tout lui-même, sans jamais recourir aux services de personne : il allait puiser son eau lui-même, ramassait des branches de bois mort et les rassemblait en fagots, fendait ses bûches, cuisait son pain dans un four à bois, moulait son café (à la main), son maïs et ses cossettes de manioc (à la main), bêchait le potager, retournait et ameublissait la terre, enfouissait la fumure, semait, repiquait ou plantait ses cornes de gatte, ses patates douces et ses boutures de manioc, son gombo ou son dongo-dongo, son piment bec d'oiseau ou son pili-pili, ses aubergines ou ses solo, ses tomates et ses courgettes, ses laitues, ses lentilles, ses fayots et ses petits pois, ses poireaux, ses oignons et son persil, ses ignames et ses arachides, son ngai-ngai et son bitekuteku, ses navets, ses courges et ses topinambours, ses radis noirs, ses betteraves rouges et ses rutabagas, ses carottes et ses choux frisés, ses potirons, ses bonnets-de-prêtre, ses colaquintes et ses salsifis... sarclait et binait, extirpait ou coupait les racines des "mauvaises herbes", faisait son fufu lui-même, pilait son pondu et toutait son pili-pili (en y ajoutant du sel et de l'huile, de l'ail et de l'oignon, du citron et du tangawisi), nourrissait et chérissait son cochon, cueillait des noisettes, des orties et des pissenlits, des pommes, des prunes et des cerises, faisait lui-même ses propres confitures (non seulement de cerises et de prunes mais aussi de coing, de mangue, de papaye ou de rhubarbe), cueillait également des branches de gui et des feuilles et des baies de houx, coupait des régimes de palme, en égrappait les fruits et faisait bouillir les noix, fabriquait son "huile rouge" ou sa "mafuta ya mbila", élaguait ses arbres, empilait les branches coupées dans une fosse ou les entassait et les recouvrait d'un couche d'argile, fabriquait lui-même son makala, torréfiait son café et roulait ses cigares, faisait son foin à la faux et au rateau de bois, ramassait des champignons dans les bois et dans les prés, chassait des escargots, prenait des lièvres au collet, capturait des pintades sauvages (qu'il piégeait avec la complicité de pintades domestiques en manque d'affection), élevait quelques poules (autorisées à passer la nuit sur les branches de l'arbre de la parcelle qui leur était réservé), des canards vagabonds et des oies querelleuses (mais n'entrainait pas de coqs au combat contre leurs frères), paillait son potager pour l'hiver, enterrait ses mauvais rêves et ses déchets dans une tranchée-poubelle, rangeait sa chambre, secouait ses draps, remettait de l'ordre dans sa literie et vidait son pot de chambre lui-même tous les matins...
- Où ça, Douchka ?
- Dans les WC, petite chérie !
- Ah ! Il y avait donc des toilettes dans la baraque tranquille de ton histoire normale (et vaseuse...) ?
- Oui mais non ! Une espèce de kikoso auquel on accèdait en suivant le sentier tracé par les pas de ceux qui s'y rendaient, tout au fond de la parcelle, na sima mboka ! Un cabinet installé près du potager, évidemment, parce que la merde humaine c'est excellent pour les ignames et les rutabagas, les salades et les plants de manioc, les pommes de terre, les choux et les carottes ! Un WC avec un coeur découpé dans la porte, grand comme un quart de pizza !
- Increïble !
et lavait son linge lui-même et le mettait pendre sur un fil ou l'étendait sur l'herbe.
Ou à l'intérieur de la maison lorsque la pluie n’en finissait pas de tomber : dans la cuisine-salle à manger, dans la chambre à coucher et dans le "séjour" de la baraque (mais jamais dans le magasin attenant à la cuisine ni sur l'abattant du secrétair, ni sur la queue du piano  du "séjour", évidemment). Et repassait lui-même ses draps, son pyjama ou sa liquette, ses pantalons, ses vestes et ses chemises (mais pas ses salopettes, ni ses mouchoirs, ni ses t-shirts, ni ses chaussettes, ni ses caleçons) avec un fer à braises...
- Il n'y avait pas d'autres pièces dans la baraque tranquille de ton histoire normale (et de plus en plus vaseuse…), Douchka ? Et pas d'autres constructions, monuments, sites ou établissements dans la parcelle ?
- Oui mais non ! Il y avait également un hangar à outils, l'abri des oies et des canards et la soue du cochon, là où finissaient tous les détritus... et aussi, dans un coin de la parcelle, d'énormes blocs de pierre, partiellement enfouis dans le sol et disposés de façon singulière, en cercle, comme ceux qui ont été placés par la châtellenie d'Awel sur les trottoirs de la place Hendrik Conscience, et qui (les gens normaux disent n'importe quoi) faisait penser à un site préhistorique ou à un autel druidique... et même un petit bois touffu, près du chemin bordé d'arbres et de haies, là où un couvent vaudou se réunissait (racontent encore les gens normaux) dans le plus grand secret...
- No me digas !




Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
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