lundi 28 mars 2016

SCC8/2 - Pavillon 2 : MUTU AZANGA MINO




Celui qu'on appelait Lédenté avait toujours travaillé comme coureur des bois et coupeur de routes indépendant, servant ses propres intérêts et ceux de sa famille et ne répondant aux ordres de personne. 
Mais, à présent, ce déluré, ce coquin, ce roublard et ce débrouillard n'était même plus capable de vivre et de manger normalement. Ni de ronger des côtelettes, ni de broyer des petits os, ni de grignoter (soigneusement, avec délectation, en prenant tout son temps) des épis de maïs ou des plants de canne à sucre ni d'enfoncer ses canines dans une cuisse de cabri (chouravée dans une cuisine), à l'entrée de son terrier, ni de serrer dans sa gueule un canard, une oie, une poule, une pintade, un pigeon, une pie, une corneille, une caille, une perdrix, un paon ou un dindon, une cigogne ou un héron, un campagnol (mais délaissant les taupes et fuyant les musaraignes), une gerbille, un écureuil, un porc-épic, une marmotte, un raton laveur, un agouti...
- Allo coucou, petite chérie ! Hola querida ! Tu m'as encore appelé ?
- Oui, je me demandais... Un agouti vraiment ?
- Oui mais non ! En fait, le renard et l'agouti ne se connaissent même pas, n'habitent pas le même quartier et ne fréquentent pas les mêmes lieux. On peut donc supposer qu'ils ne se rencontreront jamais !
- C'est bien ce que je pensais, Douchka, tu écris n'importe quoi !
- Je ne vais pas te contredire, petite chérie, tu as toujours raison !
- Je sais ! C'est pourquoi il ne faut pas chercher à me tromper, Douchka  !ge
- Te couillonner, petite chérie ?
- Mierda de perro !
un lapin de garenne ou un lièvre (plus difficile à attraper), un chien des prairies, une belette, un furet, une mangouste ou un suricate...
Ni même de RIIIR à gorge déployée, ni de tousser, ni d'éternuer, ni d'éructer, ni de cracher un mollard... sans mettre la main devant la bouche (comme s'il était pris de bâââillements) pour bloquer son demi-râtelier de fausses dents, l'empêcher de profiter d'un coup de vent, d'une bourrasque, d'un orage ou d'un cyclone pour sauter du balcon, mordre le vide, rebondir sur le trottoir, disparaître dans un avaloir, être écrasé par un véhicule de la voirie  ou emporté par un corbeau hilare, nourrissant une vieille rancune et toujours à l'affût.
Ni ni ni ni de parler distinctement, ni de se faire comprendre de ses auditeurs, ni de se faire aimer de ses maîtresses. Ni même de ricaner, de persifler, de sarcasmer ou de goguenarder. Plus rien de tout cela.
Un stupide accident de circulation, en effet, avait sérieusement gâché la physionomie du vaurien et avait fait perdre au rouquin l'ascendant physique et sentimental qui l'avait rendu célèbre.
On rapportait, notamment, que son très beau visage, sa chevelure flamboyante, sa tchatche insolente, son allure élancée, sa longue queue touffue et ses grandes oreilles pointues avaient séduit de nombreuses femmes mariées désireuses de se soustraire au viol conjugal (fastidieux, insipide ou rebutant), de s'ouvrir une parenthèse de plaisir partagé, d'améliorer et de pimenter leur ordinaire, d'agrémenter leur statut de rideau ya ndako en s'autorisant quelques virgules aventureuses dans les bras d'un voyou ou d'un aventurier.
Parmi les conquêtes du renard, on citait notamment Dame Hersent (alias Ma Mbutu), l'épouse opulente et canaille d'Ysengrin, le terrifique administrateur général des "services"... un boyard brutal, cupide et cynique, un mvuandu bien fortuné, certes... mais fourbe et trompeur et dont le nez était morveux, les yeux chiassieux et le cul contraint (les mirettes, le tarin et l'anus de ce sinistre personnage étant constamment bouchés par des bapoti, des miyoyo et des selles boucanées dont il ne parvenait pas à se libérer)  !
En sus de Dame Hersent, on citait également la conjointe officielle du commandeur de tous les sorciers et responsable suprême de tous les "services", la "première dame de la sorcellerie", la "servante supérieure du Seigneur", la bourgeoise ou la doudou de la Haute Hiérarchie elle-même...  un autocrate et un tyran cousu d'or, certes, mais un mari négligent, maussade et cavaleur, un chef de groupe mafieux colérique, intrigant, sournois, retors, faux jeton et chattemite, sans humour et sans talent, s'exprimant difficilement et avec parcimonie, détesté par toute la population !
Et ce stupide accident avait sérieusement rabattu le caquet du fripon et l'obligeait à bien articuler, à parler prudemment, sans s'emporter, en s'appliquant... et à se retenir de pousser des gueulantes ou de RIIIR aux éclats. Et ce méchant coup du sort avait rendu le filou (presque) taiseux et avait fait perdre au forban une partie  de ses talents de dragueur impénitent et d'animateur de fêtes de mariage et de communion, de kermesses, de fancy-fairs, de soirées en boîtes ou de parties fines. Et cette funeste tribulation avait porté atteinte au crédit professionnel de l'arsouille... amenant de vieux clients (et aussi d'anciennes victimes, telles que le corbeau, bien sûr, mais aussi le paon ou le dindon) à douter des aptitudes présentes du truand à exercer, avec le panache et la virtuosité qu'on lui connaissait auparavant, ses fonctions ancestrales de chasseur flexible et polyvalent, d'entrepreneur de combines astucieuses, d'habile commissionnaire en affaires (de tous genres, en fonction de l'état du marché) et de "coopérant" ou "arrangeur de bidons".

La mésaventure du corbeau est bien connue de tous mais celle de son compère et compagnon de galère, le renard, l'est beaucoup moins. Je vais donc la rappeler.
- Allo coucou, petite chérie ! Hola caracola ! Une question encore peut-être ?
- Oui, dis-moi, Douchka... Ton renard aurait-il été happé par une débroussailleuse ou par une moissonneuse-batteuse alors qu'il cuvait sa bière ou se tapait une petite sieste, post-coïtale ou digestive, dans les blés ou les hautes herbes de l'Ardenne, au Royaume de Jupiler, Douchka ? 
- Pas exactement, petite chérie...
- Aurait-il été  renversé par une voiture en République autocratique du Luabongo alors qu'il traversait précipitamment la Nationale 1 pour fuir les boer-bulls féroces et sanguinaires des grands fermiers Afrikaners de Bukanga Lonzo qui l'avaient exproprié, avaient envahi son territoire et le poursuivaient haineusement ?
- C'est bien possible, petite chérie !
- Aurait-il été délogé par des concessionnaires chinois ou américains, chercheurs d'or ou de coltan ou d'autres pierres précieuses ou minerais rares au Sud et au Nord-Kivu, au Maniema, au Haut-Katanga, au Lualaba ou en Ituri ? Je dis chinois et américains... mais je pourrais tout aussi bien dire français, anglais, japonais, belges, canadiens, hollandais, indiens, suisses, sud-africains, espagnols, australiens, allemands, italiens, suédois, polonais, russes, coréens, brésiliens... 
- Tu y es presque ! Tu te rapproches,petite chérie ...
- Aurait-il été sommé de quitter la mine de Lupoto ? Aurait-il, avec d'autres creuseurs, été pris au piège par des travaux d'aménagement de la concession minière opérés par des engins de chantier, nuitamment et sans avertissement préalable  ? Aurait-il été enseveli à la suite du comblement de ses puits, tunnels et galeries ? 
- Tu brûles,petite chérie... mais tu n'y est pas tout du tout ! Ecoute donc (et prends tout ton temps car il s'agit d'un long chemin avec de multiples détours) la véritable histoire du remard... et comment Lédenté, Monsieur Pinchon et le facteur à vélo se sont rencontrés et ce qu'il est résulté de cette entrevue !





Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
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