lundi 28 mars 2016

SCC8/7 - Pavillon 7 : KOBWAKA NZOTO (retour à l'histoire principale à travers une très longue séquence qui devait être terminale)


Okéé...
Retour à l'histoire principale et à notre core-business :  les aventures de Vieux Condor (alias Kovo, alias Mukokoli, alias Mutu ya Libandi) (mais qu'on surnommait aussi, en fonction des événements, Zolo Esalakate ou Zolo Ekufa) et de Lédenté (alias Mapengo).
Ce n'est pas facile non plus de vivre normalement avec un handicap dans un monde « normal » que les sorciers, les "services" et les crapuleux se sont appropriés et d'y trouver à boire et à manger tous les jours.
Vieux Condor  et Lédenté ont, l'un et l'autre, été amenés à bwaker. Ils se sont résignés à changer d'âme et de corps et à vivre en déportation dans un pays lointain, bien au-delà de la Meuse et de la Sambre. Le gibier a donc décidé d'émigrer pour survivre : de se perdre, de se fondre, de disparaître ou de se mettre à couvert au pays des chasseurs (qui, après avoir écumé, dévasté et pillé les plaines, les forêts et les savanes boisées du monde entier et y avoir installé des sorcelleries subalternes ou de coùplaisance... déclarent avec la main sur le coeur... qu'ils ne peuvent pas accueillir toute la misère du monde !). Le corbeau d'abord (portant une écharpe autour de son cou ... Un cou de taureau certes, mais désormais pelé et déplumé !, pour dissimuler son goitre ou sa pelade) et le renard (évitant d'exhiber sa longue queue touffue et la cachant dans un sac-poubelle ou sous une couche-culotte) ensuite ont décidé de quitter le maquis de Malpertuis et de fuir la vie rude des bois et de la forêt. Ils ont pris la route du Nord. L'un après l'autre et sans s'être concertés. L'un allant de bois en bois ou suivant les lignes à haute tension. L'autre allant de village en village ou cheminant le long des voies du chemin de fer. Ils ont volé et marché longtemps, longtemps, marché et volé longtemps, franchi ou survolé d'innombrables barrières de fils de fer barbelés et traversé des fleuves, des rivières et de nombreux plans d'eau, affronté de multiples obstacles, échappé aux contrôles, aux pièges, aux appeaux (imitant le cri du corbeau ou du renard) et aux coups de filet des agents des "services", ralenti leur rythme cardiaque ou diminué leur température pour ne pas se faire repérer par les détecteurs de bruits et les caméras thermiques, évité les barrages installés par les corps habillés en bleu et en kaki et contourné des pylones, des antennes et des éoliennes, des drones et des montgolfières... et se sont retrouvés, l'un et l'autre, face à face, dans les bas-fonds de la châtellenie d'Awel où tous les deux avaient finalement trouvé refuge.
Leur exil répondait à la même motivation...
Il s'agissait non seulement de fuir... Likolo mpiaka ! Tozali mbau ! Tokufa nzala ! Tobali misère !, la sécheresse ou les inondations, les famines, les expropriations (les paysans dépossédés de leurs terres ancestrales et chassés de leurs villages incendiés ou rasés, de leurs champs ravagés, de leurs forêts massacrées, de leurs rivières empoisonnées et de leurs lacs pollués par les concessionnaires miniers, agricoles, pétroliers ou forestiers... ou par les agro-businessmen boers d'Africom Commodities Ltd qui viennent de s'installer, pour très longtemps, à Bukanga Lonzo), la mise au travail forcé des sept nains et de tous les enfants de la famille Poucet, la mise au turf de Blanche-Neige et de Cendrillon (qui ne se prostituent pas gaiement comme on voudrait le faire croire... mais qui taillent des pipes dégoûtantes et visqueuses à des bandeurs mous ou à des branleurs obsédés et pervers et se font défoncer le cul, méchamment, par des brutes agressives et sans respect pour nourrir leurs enfants ou faire vivre leurs familles), les « tracasseries » des corps habillés en bleu ou en kaki, les guerres incessantes et les épidémies récurrentes... mais il s'agissait également et plus particulièrement, dans le cas de nos deux héros, d'échapper aux poursuites policières et judiciaires engagées contre chacun d'entre eux par des crapuleux agissant au nom de la Haute Hiérarchie : l’un, pour avoir agressé un fonctionnaire de la Poste en mission de service et l'autre, pour avoir... Pftt Flac ! fienté avec précision sur le chapeau ou l'uniforme d'un garde forestier qui se plaisait à marquer de couleurs chaudes (rouge ou orange) les arbres à abattre dans la forêt des Borquins ou dans les bois environnant le village des Boucs.

Vieux Condor (alias Kovo, alias Mukokoli, alias Mutu ya Libandi) et celui qu'on appelait Lédenté (alias Mapengo), le meneur et l'insociable, anciens rivaux des champs et des bois, se sont donc retrouvés ailleurs, dans un monde inconnu, sur les trottoirs peu fréquentés, mouillés et crottés de la châtellenie d’Awel, au croisement des rues Maes, du Collège et Van Volsem.

Tous les deux étaient cruellement affamés... mais, comme à l’accoutumée, ils n'ont pas tardé à s'engueuler comme des chiffonniers...
- Au pays, c'est moi qui baisait Dame Hersent (alias Ma Mbutu), la propre femme d'Ysengrin ! Aradjicalement ! Au pays, c'est moi qui lui faisait tout ! Et dans toutes les positions  ! Au pays, les ngembos me prêtaient même une aventure avec l'épouse de la Haute Hiérarchie, la servante supérieure du Seigneur, la première dame de la sorcellerie en personne ! Et tu prétends encore être un meilleur opposant que toi ? Quelle prétention, VC ! 
- Tu es un adultérin, un maquereau, un voyou, un voleur du fromage d'autrui, un mâle sans aveu qui ne cherche qu'à tremper son biscuit, un lovelace, un mario ! Tu n'as jamais été qu'un sale opportuniste, rouquin ! Tu n'es pas un vrai frère ! Et maintenanr, tu n'es même pas un vrai réfugié politique, tu n'es qu'un simple ngulu !
à se bagarrer, à échanger des mots et des coups, à se voler dans les ailes et dans les plumes.
C'est le corbeau qui a entamé les hostilités... portant une écharpe autour de son cou... Un cou de taureau certes, mais désormais pelé et déplumé !, pour faire son Chateaubriand (aux cheveux ébouriffés par les vents de l'océan ou verglacés par les embruns marins) son Arthur Rimbaud (à la mèche insolente et rebelle) ou son D'Artagnan (à la crinière flamboyante) et qui...
- Toi ? Encore toi ?
- Moi quoi, VC ?
- Je te reconnais bien, renard ! Je n'oublie jamais personne ! 
ne se sentant plus de joie, a attaqué le rouquin par son point faible, l'orgueil, et lui a envoyé une première balle, plutôt insinuante :
- Je te reconnais... mais je ne te reconnais plus vraiment ! On ne t'entend plus guère ces derniers temps ? Que s'est-il donc passé ? Tu ne jappes plus comme avant, rouquin ? On t'a rabattu le caquet ? 

Et le renard lui répondit aussi sec (en s'appliquant à bien articuler).
- Sekseksek ! Ta tête et ton cou de taureau sont à présent pelés et déplumés, VC ! Conseil d'ami: cesse de dodeliner de la toiture comme un dindon, dissimule ta calvitie et n'agite plus ta voilure toute ébouriffée sous le nez des gens normaux, on te prendrait pour un épouvantail abandonné par un fermier de la Petite Suisse et battu par n'importe quel vent ! Tu ne ferais même pas fuir un  moineau sifflant dans les deux langues... Fwieet ! Pfuiiit ! de la châtellenie d'Awel !

Et le ratichon de chercher alors à crever les yeux du pirate et de lui balancer une deuxième balle, vicelarde, à fragmentation, se fractionnant en une multitude de questions vénéneuses et de sous-questions venimeuses :
- Je constate,Casanova, que tu caches ta queue dans un sac en plastique ou sous une couche-culotte, pourquoi ça ? Tu as peur qu'on te la coupe, tu crains de te faire draguer par les vieilles copines de Jipéji et de Diderot... celles-là même qui préfèrent lafourrure du renard à celle du lapin ? Tu as honte de ta queue maintenant, flambeur ? Tu ne t'assumes pas, tu veux que les gens normaux de la châtellenie d'Awel te prennent pour quelqu'un d'autre ? Et je constate aussi, Lédenté, que tu ne parles plus à l'oreille des filles qui sirotent un verre sur une place (... la place Patrice Lumumba, dans le cul de l'église Saint-Boniface, on ne t'y voit plus) ou une terrasse (... la terrasse du restaurant-galerie d'art Inzia, rue Longue-Vie, côté cuisine, on ne t'y voit plus), Lédenté ? Tu ne t'assieds plus sur les bancs publics (... les bancs collectifs de la place Flagey ou les bancs sans dossier de la place de Londres, en face de l'entrée principale de l'Athénée Charles Janssens, on ne t'y voit plus) et tu ne te couches plus dans l'herbe (... les pâturages du Bois de la Cambre où Perrette mène paître ses moutons ou les berges gazonneuses des Etangs d'Awel, on ne t'y voit plus), avec une soeur, pour l'embrasser sur la bouche ? Pourquoi ne te risques-tu plus à fêter ton anniversaire : pour ne pas devoir souffler sur les bougies du gâteau de Ma Mbutu... prétextant que l'odeur du suif t'indispose ?

Et l'ancien écorcheur...Traaa !, de monter au filet... Tra tratratra !, à plusieurs reprises, hargneusement ... Tratra traaaaaaaaaaa !, avec un fusil mitrailleur !
Et de bombarder le corvidé de roquettes katiocha fourrées au chlore, de la panse au museau !
- Tu oses me parler d'odeur, toi dont l' haleine repoussante est celle d'un hideux macchabée ! Toi dont le bec de creveur d'yeux, de trépanateur et de fouille-tripes de pendus dégage, cogne, suinte, emboucane ! Toi qui schlingues la vieille charogne de cabri écrasé par un camion militaire déglingué conduit par un chauffeur ivre et dont les freins ont lâché ! Toi qui pues la taupe et la musaraigne ! Toi dont les remugles et les flatulences font tourner tous les parfums ! Conseil d'ami, VC : cesse de t'égosiller, ne nous fais plus entendre ta belle voix et n'ouvre plus ton large bec, épargne-nous ça ! C'est une question de salubrité publique et de respect d'autrui ! Tu as sans doute perdu ton odorat mais les gens normaux ont conservé le leur ! Et ils pourraient bien décider de te classer parmi les nuisibles et ordonner de t'exterminer, toi et tous ceux de ta sale espèce, eh !

Le grolle fit alors observer au renard que des menaces ou des sarcasmes proférés par un ancien prédateur, exilé ou déporté, sans emploi ni domicile fixe, un ancien rebelle ou kadogo désarmé ou démilitarisé, aux bottes de jardinier blessées par des instruments aratoires et prenant l'eau de toutes part, affublé d'un dentier de seconde bouche, ne pouvaient plus effrayer ni blesser personne.
- Sans effet, Lédenté ! Même pas peur ! Mayi ya moto etumbaka elamba te !

Lors le pendard lui répartit en déclarant au corbeau qu'il valait mieux porter un dentier que d'enrouler une écharpe autour de son cou de taureau déplumé pour faire de son stoef et...
- Conseil d'ami, VC : lave-toi la bouche avant de t'exprimer, rince-toi la gorge à l'eau de Javel !
... d'exhaler des odeurs pestilentielles ... Sekseksek !, et de ne même pas s'en rendre compte

Après s'être ainsi défiés, querellés, insultés, souffletés, Vieux Condor, corbeau anosmique (déplumé certes et n’ayant plus d’odorat... mais ayant encore du bec et du goût et rêvant toujours de Ettekeis, de fromage de Herve et d'autres fromages caractériels perdus) et Lédenté, renard agomphe (ne pouvant plus croquer aucune proie... mais toujours affamé et n'en pouvant plus de ne se nourrir que de fruits et de baies,de raisins, de myrtilles et de framboises, de lait de coco, d'orvets et de sauterelles, de larves d'insectes et de lombrics adipeux ou de cancrelats cérumineux ou... Plus rarement mais quel bonheuuuur ! Et seulement quand c'était de saison !, de tendres oisillons, encore chauds, fraîchement tombés du nid), ces deux anciens amis, qui s'étaient éloignés l'un de l'autre, se battaient froid et se tiraient la gueule…


Ndlr (2016) :  Et si derrière Vieux Condor et Lédenté se profilaient... Sans que leurs histoires se confondent, loin s'en faut  !,  Mopoie et Bangazegino, enfin réconciliés, redevenus les compagons de galère et de lutte qu'ils étaient naguère ?
Peut-être, comme tant d'autres prisonniers politiques, libérables ou « laissés en rade » pour d'obscures raisons crapuleuses, Mopoie et Bangazegino s'étaient-ils séparés, éloignés l'un de l'autre ? parce que la prison est assassine, parce qu'elle use, mine, ruine, rouille, corrode, détruit tout à petit feu : la santé, les rêves, les ambitions et quelquefois « les nerfs » ! Et que l'enfermement peut créer des rapports tendus entre compagnons de mélasse. Et qu'elle peut briser la bonne intelligence entre amis de toujours... à bout de nerfs, à bout de forces, épuisés mentalement et physiquement ?

ont fini, après un long chemin et de multiples détours, par se retouver dans la châtellenie d'Awel... où ils ont bien dû constater qu'ils n'étaient plus en état, ni de s’imposer l’un à l’autre, ni de se manger l'un l'autre...

La plume acérée et le coup de patte adroit, la force des mots et l'escobarderie,  l'agitateur et le carambouilleur, celui qui scrute au loin (... et qui imagine l'avenir) et celui qui creuse en sous-main (... et qui mine les positions les mieux établies des temps présents), le tacticien minutieux et l'improvisateur espiègle, le stratège utopiste et l'opportuniste déluré, le corbeau et le renard...
- Des malentendus nous ont opposés, mon jeune frère ! Nous ne nous sommes sans doute pas bien compris !
- Ezali ya solo, Vié !
- Valorisons ce que nous avons en commun; l'esprit de résistance et le RIIIR libérateur ! Et faisons en sorte que nos différences cessent d'être des contraires, non ?
- Ya solo, Vié ! Nandimi !
- Elles pourraient même devenir complémentaires, non ? Nos ennemis sont les mêmes, non ?
sont alors convenus...
- Boboto ?
de s'accepter comme ils étaient, de mettre fin à leur longue guerre inutile et fratricide et...
- Maboko na maboko ?.
de former ainsi, au grand dam d'Odyssée, un gang des éboueurs (à l'instar des Hudson Dusters, les éboueurs de l'Hudson, fondés par Circular Jack, Kid Yorke et Frank Goo Goo Knox à la fin du XIXe siècle, ayant imposé leur loi à Greenwich Village et ... et dont un des chefs, au tout début du XXe siècle, s'appelait Farrell le Rouquin) ou, plus exactement, de constituer entre eux un syndicat ou une coopérative informelle d'artisans recycleurs et récupérateurs.
Et de survivre ainsi, effrontément, en s'appropriant les reliquats et les surplus de la châtellenie d'Awel, en se nourrissant des produits les plus odoriférants (capiteux ou suffocants) qu'ils découvrent dans les sacs de détritus, repus et bedonnants, de toutes les couleurs, déféqués honteusement et déposés dédaigneusement sur le pas de leur porte, plusieurs fois par semaine, par les gens normaux... ceux-là même, sans doute, qui envahissent l'Ardenne, recolonisent les campagnes... Comme les Afrikaners de Bukanga Lonzo !, ou rachètent les vieilles bâtisses pour les transformer en résidences secondaires (mais que l'odeur du purin indispose et que les kok korikooo ou koko kria kooot de Chantecler, le coq-pasteur et frimeur polygame, dérange et qui menacent de porter plainte contre leurs voisins fermiers pour immoralité, nuisances olfactives ou sonores et autres troubles du voisinage), se promènent sur les pistes balisées de la forêt avec des écouteurs aux oreilles et des lunettes à verres fumés sur le nez et se plaignent de ne jamais rien voir et s'étonnent de ne jamais rien entendre, ni biches, ni chevreuils, ni gazelles, ni corbeaux, ni renards, ni hiboux à oreilles de chat, ni agoutis...
- Allo coucou, petite chérie ! Hola querida ! Tu as sûrement un commentaire à faire, une critique à formuler, non ?
- Eh oui ! Qu'est-ce que des agoutis viendraient faire dans la forêt des  Borquins, Douchka ?
- Rien du tout !
- C'est bien ce que je pensais !
- Tu as absolument raison, petite chérie !
- Je sais !
ni potamochères, portent plainte au parquet, adressent une réclamation au Syndicat d'initiative et se résignent à visiter le parc à gibier des Borquins ou envoient leurs scouts camper... Et se faire piquer par les taons et charger par les vaches, eheeh !, au bord de la Diglette ou de la Masblette, de la Wassoie ou de la Wamme.

Vieux Condor et Lédenté ont donc créé une coopérative ou un syndicat dans lequel chaque associé avait son rôle à jouer: l'un ayant encore du flair et de la force musculaire...
- Tu oublies les sacs verts, expliqua  le corbeau (au cou puissant... Un cou de taureau certes, mais désormais pelé  et déplumé !, protégé par une écharpe dont il se servait pour dissimuler son haleine de chacal) à son compère et compagnon de lutte et de galère ! Tu te concentres sur les sacs blancs, petit frère ! Ce sont les sacs dans lesquels on peut trouver un maximum de nourriture !
- Et les sacs bleus, Vié ?
- Les sacs bleus aussi : ils réservent parfois des surprises intéressantes ! Les sacs jaunes peuvent également nous être utiles, les gens normaux y jettent souvent du courrier personnel ou de vieilles photos compromettantes, des secrets ou des nouvelles qui les dérangent...
- Donc, si je comprends bien, Vié, je repère les sacs qui dégagent des odeurs alléchantes ou contiennent des informations intéressantes dont on pourra se servir plus tard ! dit le rouquin (soucieux de montrer au tacticien que ses instructions ont été correctement comprises) et...
- Oui, mais d'abord on croûte, petit frère, on graille, on dame : priorité aux sacs blancs ! Damage  ! Il faut reconstituer nos forces afin de pouvoir reprendre la lutte !
- J'identifie ceux d'où émanent les arômes, effluves, haleines, fraganges, senteurs ou fumets les plus prometteurs et ...
...
et l'autre, faisant le guet, se cachant derrière son écharpe... et (alors même que certains de ses ongles avaient été arrachés par les instrumentistes des "services") disposant toujours d'un bec bien tranchant lui permettant de crever les peaux les plus coriaces et de dénouer les sacs les plus hermétiquement fermés.
- Tu les bloques, petit frère, et tu t'assures une prise solide au sol à l'aide de tes griffes pointues !
- Je leur saute dessus, Vié, je les catche et je les plaque au sol ! jappa le rouquin (satisfait de constater que le corbeau faisait appel non seulement à son intelligence mais aussi à sa force et à son agilité)
- Et moi je les ouvre : je leur fends le ventre d'un coup de baïonnette ou je les dénoue ! Et nous déballons ensemble la marchandise !Mosapi moko esokolaka elongi te ! 
- Sekseksek !
- Et on avale ensemble tout ce qui est comestible, petit frère ! Vitement !
- Sekseksek ! Et après ?
- Après on piste et on se terre dans les caves ou les greniers, les terrains vagues et les parcs publics, les entrepôts laissés à l'abandon ou les cabanes de jardin ! Derekitima ! Mais en veillant à ne jamais laisser de traces de notre passage, petit frère ! Pas de crottes et rien qui permette de nous identifier ! On évite de se faire remarquer ! On prend garde à ne pas bloquer les avaloirs avec des canettes de bière, des pots de yaourt, des gobelets en carton ou des bouteilles en plastique ! 
- Sekseksek !

Tôt le matin... Toliaka na tongo pona koblinder nzoto, ndeko na ngai !,  le corbeau sans odorat (alias Zolo Esalakate, alias Zolo Ekufa) et le renard sans dents (alias Mapengo) se retrouvaient donc quotidiennement sur la place Hendrik Conscience, au pied d'un arbre de l'administration qui ne portait pas de fruits, épiés de loin par Odyssée..

Un arbre fonctionnaire, posté et titularisé au centre de la place Hendrik Conscience...
Un arbre habillé apparemment d'une barboteuse ou d'une grenouillère multicolore dont certains esprits myopes et chagrins s'imaginaient qu'elle avait été tricotée à la main par des religieuses ou dames patronesses du quartier que la nudité baraquée de l'individu scandalisait ?
Un arbre sentinelle installé au milieu d'un minuscule terre-plein et chargé d'épouvanter les philanthropes du quartier (Ichab ? les tricoteuses de grenouillères ) qui nourrissaient clandestinement les chats errants, les pigeons voyageurs... et les réfugiés politiques (et chargé aussi de surveiller certains attroupements suspects qui, dit-on, se tiendraient, la nuit, autour des gros blocs de pierre disposés sur les trottoirs de la place Conscience, presque en cercle, de façon  singulière et mystérieuse), entre l'épicerie d'Ichab, la station-service (ex-,Koweit... mais devenue indo-pakistanaise et vendant désormais les cigarettes, la bière, les vins et les alcools qu'on ne trouve pas chez Ichab) et l'atelier du réparateur de vélos installé depuis près d'un an dans l'ancienne boucherie de Mimoun.... un réparateur que le facteur à vélo et Monsieur Pinchon auraient eu plaisir à rencontrer pour échangre des expériences: "Avez-vousl déjà essayé de placer un ratelier d'occasion dans la gueule d'un renard énervé ?"

Vieux Condor et Lédenté se retrouvaient donc tous les matins et se mettaient aussitôt au travail. Repérant (l’un) et dénouant patiemment (l’autre) ou déchirant à coups de bec (l’autre) ou couvrant d'insultes (l’un) et de railleries (l'autre) ou déchiquetant à grands coups de pattes (l’un) ou fouillant nerveusement (l’un et l'autre) les sacs-poubelles que l’épicier Ichab (successeur de Gourad, l'ancien chef du quartier) et les gens normaux du quartier déposaient devant leurs portes ou qu'ils entreposaient sous un arbre au centre d'un minuscule terre-plein lorsque les éboueurs étaient en grève...
- Il y a certainement bien plus de sacs-poubelles replets et boursouflés à éventrer et à déballer sur les trottoirs de la place Flagey (Le Belga, la Brasserie du Marché, la Pantin, Frit-Flagey, etc), de la rue Malibran (les night-shops, la boucherie-charcuterie "Jan en Kristen" et la boucherie halal "Ben", Nova Primavera, Pizzicotto et le pizzeria Istanbul, etc) ou de la place Fernand Cocq (L’Amour fou, le snack Délices, La Régence, Le Volle Gas ou le Bar Parallèle, l'hôtel particulier de La Malibran et sa boîte à livres, etc)... mais aussi plus de risques aussi, petit frère, de se faire repérer et choper par les corps habillés, croassa le corbeau !
- Seksekek, aboya le renard ! Les environs de la place Hendrik Conscience sont beaucoup moins passants !
- On pourrait aussi prendre d'assaut la camionnette  d'Ichab quand il revient du marché matinal et commence à décharger, dit encore le corbeau...
- Comment ça, Vié ?
- Aussitôt qu'Ichab a ouvert la porte arrière de sa camionnette, je détourne son attention en sautant sur son étal et en évidant à coups de bec une de ses plus belle pommes ou de ses plus belle tomates ! Je fais mine de m'enfuir sur le trottoir de la rue Maes ou de la rue du Collège en boîtillant de l'aile gauche... Tu en profites pour sauter à l'arrière du véhicule et tu balances la marchandise dans le caniveau ! Je peux aussi chier sur le parabrise, petit frère, mais...
- Mais ?
- Mais, de toute façon, cette marchandise-là qu'Ichab ramène du marché... ce sont des cageots de fruits et des légumes et nous ne sommes pas encore végétariens, que je sache ! Une pastèque et des artichauts frais (ou même pourris), ça ne vaut pas une bonne charogne bien faisandée, petit frère ! Nous ne sommes pas tombés aussi bas...
- Sekseksek, quel ramaaage, Vié ! s'exclame, surjoue et fait mine de s'esbaudir le rouquin (caressant le plumage du manoeuvrier dans le sens des plumes pour éviter de se faire trouer les yeux ou piquer les oreilles et la queue à coups de bec vengeurs).
...
sur  la place Hendrik Conscience, au pied d'un arbre de l'administration qui n'envisageait certainement pas de se réincarner en armoire ou en cercueil mais qui, comme tous les arbres plantés par les services publics, ne portait pas de fruits... Parce que ces machins-là finissent toujours par tomber sur le sol, prétextaient les élagueurs et agents d'entretien de la châtellenie d'Awel ! Et que c'est dégoûtant et que ça attire les mouches, les réfugiés et les clochards  !

Un arbre solitaire, anonyme et qui ne portait pas de fruits mais seulement un pneu-balançoire et, parfois (très rarement), quelques sacs-poubelles jetés à ses pieds par des inciviques, depuis leur voiture, les jours de grève des éboueurs...
Un arbre à qui de jeunes veuves (ou de jeunes veufs ou une Pénélope) du quartier avaient tricoté un collant ou un maillot de bain multicolore couvrant entièrement... Et exposant ainsi ! Et rajeunissant vachement ! Et mettant en valeur de façon joyeusement indécente !, la poitrine et les fesses, le cou et les jambes,  les aiselles et les parties intimes du fonctionnaire feuillu. Un collant ou un maillot de bain et non pas, comme certains esprits myopes et chagrins se l'imaginaient plus haut, une grenouillère tricotée à la main par des religieuses ou dames patronesses du quartier que la nudité de l'individu scandalisait

Ainsi donc  le corbeau sans odorat et le renard sans dents se retrouvaient-ils quotidiennement sur la place Hendrik Conscience et finissaient-ils par faire alliance avec Odyssée... un galvaudeux certes ou un chiffonnier et pilleur de poubelles de la rue de Hennin (dans le prolongement de la rue Van Volxem) mais aussi "un excellent chrétien et un bon patriote" qui voyait, au départ, d'un très mauvais oeil Vieux Condor et Lédenté s'installer dans son quartier et travailler dans son secteur. 

Et convenaient-ils de monter ensemble à l'assaut de l'hôtel particulier... où La Malibran et ses collègues sorciers (régaliens, feudataires, légataires proconsulairese et territoriaux) continuaient de faire la fête... tout en haut de la colline dominant la châtellenie d'Awel, ses cités, ses ateliers et ses plantations

Un mot d'ordre sera donné et largement diffusé sur internet et par sms ou whatsapp : rassemblement à Flagey !
Les gens du quartier (ceux de la chaussée de Vleurgat, de la rue de la Brasserie, de la rue Gray, de la chaussée de Boendael et de la rue Lesbroussart) (ceux de la rue De Witte, de la rue des Liégeois et de la rue Hottat) (ceux de la rue Clémentine, de la rue Marie-Henriette, de la rue Dillens, de la petite rue Malibran) (rejoints par ceux de la rue de Vergnies, de la chaussée d'Ixelles et de la rue Malibran) (et par ceux de la rue Scarron, de la rue du Couloir et de la rue Van Volsem) (et par ceux de la rue Van Elewyck, de la rue de Hennin et de la rue des Champs-Elysées) (et par ceux de la rue Maes, de la rue de Venise, de la rue du Collège, de la rue Van Aa et de la rue Sans-souci) se rassembleront et se lanceront à l'assaut de la colline et des institutions.
D'autres viendront de la rue Souveraine, de la rue Mercelis, de la rue de la Croix, de la rue du Conseil, de la rue du Viaduc, de la chaussée de Wavre, de la rue Goffart, de la rue de l'Athénée, de la rue Bouillon, de la rue de la Tulipe, de la rue de la Paix, de la rue de Dublin et de la rue de la Longue Vie. Tous convergeront vers la place Fernand Cocq, l'hôtel de la Malibran et ses annexes abritant ses gens, ses attelages et ses prévôts.

Ce sera le printemps en châtellenie d’Awel !





Ndlr : Vous êtes encore perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
Problème ezali te, cliquez sur : http://sosecra.blogspot.be/




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