Ainsi allaient les aventures de Gavroche et de Thijl Uilenspiegel. Et
celles de Leuk-le-lièvre. Et celles de Golo-le-singe qu'on disait querelleur,
chahuteur et carotteur, mais qui était aussi magicien et forgeron. Ainsi
allaient les tribulations de Mopoie et de Bangazegino et de tous les
irréductibles de l'Université de Makala...
Ainsi allait aussi la vie du "petit peuple" au sein de la société
sorcière. Le peuple des laissés-pour-compte, des brocardés et des vilipendés
:maraudeurs, shayeurs et camelots, bana mayi et bana
pétrole, glaneuses et vendeuses de diata et d'entrailles de poissons (ou
de "bottes" d'os de poulet récupérés chez des fabricants de charcuterie
à Kingabwa), mingando du quartier Paka-Djuma, "petites 207"
devant effectuer un versement à leur "famille" tous les soirs, ngembo
et shégués, bana matiti slalomant entre les véhicules,pickpockets et voleurs à
l'arraché, détaillants de noix de diamba et de cigarettes "spéciales"
déjà roulées, vendeurs de makasu, de racines aphrodisiaques et d'aspirines à la
sortie des bars, passeurs de flaques d'eau des rues inondées des environs
du Zando ya Munene, tireurs de pousse-pousse, sentinelles, quados et
portefaix, katakata installés à la sortie des chambres froides, wewas sans
plaques d'immatriculation, chargeurs de taxibus et réparateurs de billets de
banque déchirés, fabricants de visas et de cachets officiels, creuseurs et
casseuses de pierres, distillateurs de lotoko ou de zododo, brocanteurs,
cisailleurs et ferrailleurs, revendeurs d'attaches et de buses métalliques
du chemin de fer des Uélés laissé à l'abandon (ou de rails de l'ancienne ligne
allant de Mélo à Kpalimé ou de câbles en cuivre dérobés dans les gares de
Forrières, de Jemelle ou de Marloie), électriciens amateurs spécialisés dans le
branchement de lignes pirates, voleurs de régimes dans les plantations,
braconniers et revendeurs de viande de brousse pendant la période de fermeture
de la chasse,contrebandiers, voleurs d'oies, de vaches et de moutons, de
canards et de poules, de mangues, de maïs, d'ignames et de pommes de terre qui
n'arrêtaient pas d'être "tracassés", arrêtés, rançonnés et tabassés
par les corps habillés en bleu et en kaki aux ordres de tous les grands
prédateurs dont la fourberie, l'absence de scrupules et la totale
indifférence au sort de la population étaient connus de tous.
La Haute Hiérarchie, les "services" et les crapuleux
reprochaient, en effet, à tous ces "batu wana ", ces "batu ya
pamba-pamba", ces "mpiakeurs", ces "babola" ou ces
"espèces d’individus " de trop bien parler et de RIIIR trop
fort, d'être trop démerdard(e)s et trop entreprenant(e)s, de refuser de se
laisser affamer et de parvenir à toujours survivre... Au
taux du jour, certes, mais effrontément !, dans des sociétés sorcières
qui s'obstinaient à nier leur existence.
La Haute Hiérarchie, les "services" et les crapuleux reprochaient
également à tous ceux qu'ils traitaient de "marginaux" (les passeurs de
flaques d'eau, les creuseurs et les casseuses de pierres, certes... mais aussi
les hommes de l'art et les "réparateurs" en tous genres qui
inventaient et mettaient en oeuvre des techniques ingénieuses permettant
d'améliorer les conditions d'existence des gens, les nouveaux cadres qui
refusaient d'être les philosophes-conseils, les journalistes-tapins ou les
juges aux ordres de la sorcellerie, les vigiles et les lanceurs d'alerte de La
Lucha et de Filimbi, les passeurs d'idées et activistes des mouvements
citoyens, Gavroche et Thijl Uilenspiegel, Mopoïe et Bangazegino...) de
devenir au fil des temps les véritables héros (et héroïnes) et
représentant(e)s du peuple dont ils illustraient la capacité
de survie, l'aspiration au changement et à l'innovation, l'esprit de résistance
à l'arbitraire et d'insoumission à la dictature
Et de réussir à s'aménager des "maquis" de liberté soigneusement préservés et
d'être toujours capables de glousser de leurs malheurs et de se gausser de
leurs bourreaux... Ata auraient-ils été placés au mitard dans un camp
soda, enfermés dans un warka ou un cul-de-basse-fosse, condamnés par une
justice aux ordres et envoyés aux oubliettes à l'Université de Makala !
Et de continuer à monter... Au détriment des sorciers, des
"services" et des crapuleux ! Et sans jamais rien leur concéder, sans
kokaba ni kolomba !, des débrouilles ingénieuses, réjouissantes et
astucieuses et même des "cops" et des coups fumants qui réjouissaient
toute la population.
Ainsi allaient donc Vieux Condor (alias Kovo, alias Mukokoli, alias
Mutu ya Libandi) et celui qu'on appelait Lédenté (alias
Mapengo), le meneur et l'asocial, aujourd'hui alliés. Bien déterminés tous les
deux à exercer pleinement leur droit de vivre, de travailler (ou de
glander, de paresser ou de rêver, sans obéir à un Dieu, à un propriétaire ou à
un patron, sans chercher à produire ou à consommer davantage), de s'exprimer,
de se réunir et de manifester, de boire, de manger, d'aimer et de
penser librement, joignant leurs forces et esquivant habilement tous les
coups, disparaissant, réapparaissant, survivant insolemment à toutes les
campagnes de diffamation et d’éradication qui visaient à les exterminer,
aux traques dont ils faisaient l’objet, aux tortures et mauvais traitements qui
leur étaient infligés.
Et lançaient-ils des mangues pourries, du purin d'orties,
des billes d'acier et des clous à quatre pointes sur les 4x4 climatisées
et militarisées qui parcouraient la ville impunément, à grande vitesse et
toutes sirènes hurlantes, pour intimider ou terroriser la population.
Et jetaient-ils des pralines explosives (fourrées au poil à
gratter, au pili-pili, au fluide glacial ou à la bile de crocodile) et des
cacas Molotov dans les salons et les jardins des palais-forteresses et des
résidences-bunkers à l’abri desquelles les sorciers, les agents des
"services" et les crapuleux s'imaginaient pouvoir ripailler
tranquillement, hors d'atteinte du regard de la population et de sa colère
légitime.
Et voici ce que les sorciers, les "services" et les crapuleux
disaient du corbeau et du renard : "Ce sont des kuluna
! Ce sont des rappeurs du Negatif Clan, les épigones des bandes de Blacks
(soki Jack, soki Wolves, soki Demolition) qui sévissent depuis des années !
Panza bango ! Ce sont eux qui soutiennent et inspirent les voyous de la Tshangu,
de Matete (alias Londres) et de Yolo-Nord (alias Dallas), les glandeurs
impudents qui "tiennent les murs" du quartier Malibran (le
quartier le plus pauvre de la châtellenie d'Awel, ce qui explique tout,
n'est-ce pas ? les pauvres, de toute évidence, sont coupables de la plupart des
délits, n'est-ce pas ?) ou les manifestants obstinés du quartier de Bè à Mélo
! Kanga bango ! Kotisa bango ! Ce sont des frustrés et des
insatisfaits qui jalousent notre bonne fortune ! Ce sont des comploteurs, des
émeutiers, des anarchistes et des partageux ! Beta bango ! Boma
bango !"
Et voilà ce que répliquaient le corbeau et le renard : "Nous
sommes trop nombreux ! Le voudraient-ils, ils ne pourraient pas nous arrêter
tous ! Ils ne savent même pas qui nous sommes ni où nous trouver... mais nous,
nous avons un énorme avantage sur eux : nous savons qui ils sont et nous savons
où ils habitent !"
Et pissaient-ils et crachaient-ils effrontément à la gueule des
sorciers et de tous les larbins qui leur léchaient les couilles ou la chatte:
prédicateurs et publicistes, gens d'armes et banquiers, diaspourris et
coopérants-mercenaires ou agents doubles, bonimenteurs et saltimbanques,
musiciens de cour et valets de plume portant des livrées aux armes de leurs
maîtres...
Et fourbissaient-ils et durcissaient-ils leurs RIIIR !
Et fourbissaient-ils et durcissaient-ils leurs RIIIR !
Ndlr : Vous êtes
encore perdu(e)s ?
Et vous
vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une
table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des
différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et
crapuleux » ?
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